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novembre 2014

3.6. Travail Santé

Pour comprendre

Les conditions de travail dans nos établissements d’Enseignement supérieur et de Recherche n’ont cessé de se dégrader et il devient difficile de pouvoir continuer à exercer un travail de qualité.

Le travail lui-même a subi de fortes mutations, dans son contenu, son sens et ses finalités, avec des conséquences redoutables sur la qualité d’emploi des personnels : indice gelé, carrière en panne, paupérisation, évaluation professionnelle, prime au mérite, mobilité forcée, destruction du statut, précarité, surqualification et/ou sous-rémunération, surcharge de travail, parcellisation des tâches, management entrepreneurial et brutal, destruction des repères institutionnels et collectifs, externalisation, co-activités, pôle de recherche et d’enseignement supérieur, loi relatives aux libertés et responsabilités des universités, responsabilités et compétences élargies, … Ainsi, la stratégie de Lisbonne, la révision générale des politiques publiques et la loi LRU-Pécresse ont eu pour seuls objectifs de placer l’Enseignement supérieur et la Recherche dans la sphère marchande, de diminuer le coût du travail au profit du capital, dans sa logique forcenée du moins d’État.

Il faut également ajouter la forte dégradation de notre environnement physique. Une grande partie du bâti, dont l’entretien et la maintenance n’ont jamais été pris réellement en compte, ne peut être utilisé sans générer insécurité et mise en danger pour les personnels comme pour les usagers. Dans ce contexte de désengagement de l’État, sans plus de moyens, les budgets nécessaires et colossaux n’étant pas soutenables localement, cette situation ne peut qu’empirer.

Cet effondrement général a des répercussions très dures sur la santé des personnels (4 suicides et 1 mort sur le lieu de travail recensés dans le supérieur par les sentinelles FERC CGT du travail, entre septembre 2012 et juillet 2013). Et nombre d’entre eux sont confrontés à l’isolement, la fatigue, le stress, la dépersonnalisation qui génèrent, à plus ou moins long terme, la démotivation, le désengagement ou le surinvestissement, la dépression, la maladie, l’accident…

Cette situation pose clairement la question du rôle de notre syndicalisme, des priorités qu’il entend définir. Ce qui est vécu par les personnels montre que nous ne pouvons mener les luttes pour l’emploi, les salaires, les garanties collectives sans connexion avec l’exercice même du travail et ses conditions de réalisation.

Aucun risque professionnel n’est acceptable.

Le rôle du syndicat, de ses élus et de ses mandatés au CHSCT, c’est de mettre en lumière les conditions de travail et les mécanismes qui génèrent la souffrance et le mal-être des travailleurs.

L’enjeu est de taille. Le syndicat doit repenser avec les personnels le travail et son organisation pour repenser son utilité et sa finalité.

Pour gagner de nouveaux droits

Nous ne pouvons mener les luttes pour l’emploi, les salaires, les garanties collectives sans connexion avec l’exercice même du travail et ses conditions de réalisation.

Nous devons nous affranchir d’un travail salarié prisonnier des diktats de l’économie financiarisée, souvent simple variable d’ajustement, de son intensification, de sa pénibilité, d’un travail aux objectifs abstraits voire irréalisables, d’un travail empêché, mutilé. Nous affranchir du développement de la solitude par la mise en concurrence des salariés, des modifications de l’espace-temps du travail, de la disparition des marges de manœuvre du salarié, de l’évaluation comme instrument d’asservissement. Mais également nous affranchir de la modification des statuts et des régimes de protection des droits des salariés, de l’abandon de la formation continue et la dévalorisation de la formation initiale.

Nous devons prendre le temps de réfléchir à la transformation du travail afin de retrouver des marges de manœuvre et, plus largement, nous mettre en capacité de dégager des perspectives émancipatrices. Parler du travail, c’est nous distinguer d’un syndicalisme d’accompagnement qui se contenterait de quelques discours critiques de façade et qui, dans les faits, jouerait les voitures balais du système. En nous appuyant sur les exigences des travailleurs et leur reconnaissance, nous fonderons, de fait, une démarche revendicative enracinée dans le réel.

Nous devons comprendre le travail pour pouvoir mieux le défendre. Le syndicat doit créer les conditions du débat entre les salariés sur ce qu’est un travail de qualité, le travail tout court, également sur le temps de travail, la formation qui est de plus en plus détachée du travail. Nous ne pouvons laisser l’exclusivité de ces questions aux seuls employeurs. Les traiter, c’est commencer à faire reculer l’absolutisme patronal, c’est l’empêcher d’imposer son cadre de référence. Les traiter, c’est surtout avancer vers la conception d’un travail qui serait fondé sur la satisfaction des besoins sociaux et non plus asservi à des logiques de rentabilité ou d’économies budgétaires. Il faut recréer du débat, reconstruire du dialogue professionnel, remettre des mots sur les maux, permettre la distanciation pour que chacun puisse penser et dire ce qu’il fait.

Nous devons mettre en lumière le travail réel pour en socialiser les difficultés. Ne pas partir du travail réel conduit à nous fragiliser lors de toutes revendications ou négociations et nous enferme dans les normes et les schémas de pensée des employeurs.

Nous devons imposer que le travail soit adapté à l’homme. L’exigence sociale sur le respect de ce principe peut ouvrir des horizons immenses pour les droits sociaux.

Nous devons réinjecter du droit directement dans le travail, en rendant plus visible la réglementation et en la faisant respecter, cela constitue un réel contre-pouvoir. Par exemple la directive européenne du 12 juin 1989, transposée en droit français, public et privé donne un niveau important de protection aux travailleurs. Elle oblige notamment l’employeur à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités. Il est tenu à la prévention pour tout ce qui relève de l’état d’évolution de la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants au travail. L’employeur, sans pouvoir déroger, a une obligation de prévention, de moyens et de résultats.

Le CHSCT comme outil de la santé des travailleurs

Dans ce champ, le Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail, parmi toutes les institutions représentatives du salariat, est un outil d’un caractère particulier ; c’est en effet le seul à pouvoir mettre en cause l’organisation du travail, la chasse gardée de l’employeur, son pouvoir exorbitant qui consiste à choisir comment il va utiliser les capacités de l’humain à travailler. Chaque fois que le CHSCT rend visible tous les risques d’atteinte à la santé, il place l’employeur face à sa responsabilité civile et pénale, celui-ci ne pouvant pas dire qu’il ne savait pas… Il relève donc d’un contre-pouvoir très important puisque l’obligation de sécurité est supérieure au pouvoir de direction. Le CHSCT a droit de regard et d’action sur les conditions de travail, sur toutes les atteintes possibles, physiques et mentales au travail. Il doit être associé à la réflexion, donner l’alerte, avoir recours à un expert. Il a droit d’accès aux situations de travail, doit avoir du temps pour ses missions… Et pour lui, encore une fois, le risque « acceptable » n’existe pas. Quoi qu’il en coûte.

Conscient de la force de cette instance représentative du personnel, nous exigeons de bénéficier des mêmes moyens que ceux prévus dans le Code du travail pour les CHSCT, comme c’est le cas dans la Fonction publique hospitalière. En ce sens, ses mandatés doivent être formés plutôt par notre Fédération et non par l’administration de leur établissement.

Au regard de l’étendue des compétences et de la portée des décisions, il est avantageux qu’un groupe plus large que le simple cercle des mandatés se réunisse régulièrement pour préparer les sujets en amont.

Médecine de prévention

La politique en matière de santé, de sécurité et d’amélioration des conditions de travail dans les établissements d’Enseignement supérieur et de Recherche s’articule autour de 4 priorités nationales :

  • donner tout son sens à la réforme des CHSCT,
  • rendre plus efficient le service de médecine de prévention,
  • constater et prévenir la souffrance au travail,
  • mieux gérer les parcours professionnels en fonction des risques.

Ces orientations stratégiques en matière de prévention des risques professionnels s’inscrivent dans le cadre :

  • de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique,
  • du décret n° 2011-774 du 28 juin 2011 portant modification du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique,
  • du décret n° 2012-571 du 24 avril 2012 relatif aux CHSCT dans les établissements publics d’Enseignement supérieur relevant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche,
  • du bilan de la santé, de la sécurité et des conditions de travail portant sur l’année qui précède.

Nous devons vérifier dans nos établissements l’application de la réglementation concernant l’existence d’un service médical dont les médecins ont un nombre d’équivalents temps plein de médecins conforme au texte (article 12 du décret n° 82-453 modifié).

Pour montrer à la communauté universitaire quelle considération nos directions portent à notre santé, établissons et rendons public le ratio entre le nombre de personnels et le nombre de médecins de prévention.

La FERC Sup CGT demande la modification du décret n° 82-453 en vigueur et qu’il soit réintroduit que le modèle de fiche de risque professionnel soit établi conformément à l’article D 4624-41 qui stipule que « le modèle de fiche entreprise est fixé par arrêté du ministre chargé du travail ».

La santé au travail ne doit jamais se négocier. Rester en bonne santé au travail est un enjeu majeur, c’est la seule feuille de route de tout Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail.


Référence électronique

"3.6. Travail Santé", publié le 3 novembre 2014, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article56, consulté en ligne le 15 mars 2024


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