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mars 2013

IV • Quels sont les motifs de cette régionalisation ?

Créer les conditions du désengagement de l’État et pousser les établissements vers les interlocuteurs régionaux.

Dans une conjoncture globale que tout le monde connaît (l’exceptionnelle contrainte financière que provoquent la crise des dettes publiques en Europe et les réductions des dépenses publiques nationales), la tentation d’un désengagement de l’État par "décentralisation sans moyens" est énorme pour le gouvernement.

Et cela converge avec trois autres intérêts :

  • celui des Régions d’accroître leur domaine de compétence en prenant le pouvoir dans le secteur de l’ESR ;
  • celui du Parti socialiste formé de notables locaux, structurés régionalement, et hégémoniques dans les assemblées régionales… et qui tient aussi le gouvernement national ;
  • celui de présidences d’université très insérées dans ces réseaux régionaux du pouvoir politique et, par ailleurs, dominants au sein du Cabinet et des Directions centrales du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR).

C’est cette conjonction politique des quatre intérêts précités qui propulse aujourd’hui la volonté de régionalisation des universités dans le prolongement passif de la politique menée par le gouvernement précédent.

Cette volonté s’exprime notamment par la voie de l’Association des Régions Françaises (ARF) tenue par les notables socialistes :
Les Régions saluent les orientations détaillées par le gouvernement lors des Assises nationales de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
La reconnaissance par le Premier ministre de leur rôle incontournable dans ce secteur constitue un changement important.

Dans leur contribution aux assises, les Régions ont fait des propositions détaillées pour concrétiser le rôle actif qu’elles entendent jouer dans l’élaboration des stratégies en matière d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation sur leur territoire. Elles revendiquent des responsabilités accrues et clarifiées, en cohérence avec leurs propositions pour le nouvel acte de décentralisation. " (26 nov 2012).

Ces mêmes régions, toujours par la voie de l’ARF, souhaitent également la " mise en place d’un schéma régional d’enseignement supérieur et de recherche (constituant la référence de la contractualisation avec l’État et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche) et d’une stratégie de cohérence régionale pour l’aménagement numérique également ".

On retrouve cette même orientation dans la contribution proposée aux assises du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), par la Direction générale pour l’Enseignement supérieur et l’insertion professionnel (DGESIP) de ce même ministère : dans sa relation contractuelle avec les établissements, l’État est à la recherche du périmètre pertinent qui garantisse le besoin de cohérence globale au niveau national et la diversité des situations territoriales. L’État délègue à 200 opérateurs la mise en œuvre de ses grandes orientations.
" Le contrat est l’outil privilégié de cette relation entre État et opérateur depuis 30 ans ".
Jusqu’à présent le contrat s’est focalisé sur l’établissement. Aujourd’hui le niveau de maille ne permet plus au MESR de construire une vision globale : “ L’État n’est plus le seul interlocuteur de l’établissement, les régions ont des attentes fortes en termes d’adaptation des formations aux besoins d’insertion professionnelle ".
Dans cette optique d’embrasser la politique d’enseignement supérieur au niveau des territoires, l’évolution du contrat devra combiner " régulation et impulsion ".
Suivent d’autres arguments liés au manque de lisibilité et de cohérence de la gouvernance et là encore c’est moins le fait de dénoncer l’empilement des structures que le cadre juridique de celles-ci.

La DGESIP préconise ainsi d’évoluer vers un contrat de site, donc vers un partenariat avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les régions.
Elle conclut ainsi : “ L’avenir des CPER (contrat de projet état région) est déjà posé et les universités doivent y prendre toute leur place “.

Ces CPER existent depuis 1984 date de la première loi de décentralisation. Ils avaient été mis en place à l’époque pour tenter de lutter contre les inégalités territoriales. Aujourd’hui la 5e vague de ces contrats de plan prendra fin en 2013 et ouvrira sur de nouveaux contrats de plan État Région pour la période 2014/2020. L’enveloppe qui leur sera consacrée sera de 30 milliards d’euros pour 22 régions en métropole, dont 10% du montant total pour le seul Enseignement supérieur. Tout est donc prêt pour un passage de l’Enseignement supérieur dans le giron des Régions mais les motifs de cette régionalisation n’ont rien à voir avec :

  • l’intérêt général de défense d’un Service public de qualité face au développement des écoles privées,
  • l’intérêt des familles les moins riches dans l’accès au niveau supérieur d’enseignement,
  • le souci de lutter contre la fermeture des services publics et la désertification des territoires,
  • une offre d’enseignement supérieur et de recherche de qualité égale entre Régions.

Les motifs de régionalisation sont exclusivement politiques, aux fins nationales de réductions budgétaires et d’accroissement des pouvoirs notabiliaires locaux.


Publié dans Le Lien n° 174 de mars 2013.
Le Lien est une publication trimestrielle de la FERC CGT.


Référence électronique

"IV • Quels sont les motifs de cette régionalisation ?", publié le 11 mars 2013, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article12, consulté en ligne le 15 mars 2024


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