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Message de la FERC CGT au Congrès national de La Libre Pensée du 23 août 2016 à Bourg-Lès-Valence.


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décembre 2015

La FERC CGT pour la défense et la promotion de la loi de 1905

Intervention d’Alain Barbier au nom de la FERC CGT au grand meeting national laïque du 5 décembre 2015 pour la défense et la promotion de la loi de 1905.

Une loi de liberté

Il y a 110 ans, le 9 décembre 1905, la loi de Séparation des Églises et de l’État était votée. Elle clôturait 25 ans de tensions entre la République et l’Église catholique, traditionnellement fidèle à la monarchie. Une partie des républicains s’était engagée dès 1875 dans la déconfessionnalisation de la vie publique. Le délit d’outrages à la morale religieuse et à la religion de l’État disparaissait, tout comme les prières récitées au début des sessions parlementaires. L’école gratuite, obligatoire et laïque de six à douze ans fut instituée pour contrer l’influence des congrégations religieuses qui avaient jusqu’alors le quasi-monopole de l’école. Durant l’affaire Dreyfus, la majorité de l’Église catholique, avec son quotidien La Croix, mena une violente campagne antisémite et réactionnaire. À partir de 1901, une nouvelle loi sur les associations servit à combattre les congrégations religieuses, en particulier celles qui se consacraient à l’enseignement. Finalement, la loi de 1905 met un terme au concordat napoléonien de 1801 qui régissait les rapports entre le gouvernement français et l’Église catholique :

Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes... ».

Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte... »

La loi « garantit » à chacun les moyens d’exercer librement sa religion dans le respect de celles d’autrui. L’État n’entend en aucune façon limiter la liberté de conscience ni cantonner la religion à la sphère privée comme le préconisaient les députés radicaux-socialistes avec l’interdiction du port de la soutane dans l’espace public. La laïcité ne sépare pas l’homme de la religion, elle sépare l’État de la religion !
La loi de séparation des Églises et de l’État est une loi de liberté.

L’Église n’aura de cesse de reconquérir le terrain perdu, principalement dans son domaine privilégié, l’éducation. En 1940, le régime de Vichy rendit aux religieux le droit d’enseigner. En 1942, toutes les congrégations furent à nouveau autorisées. Ces lois restèrent en vigueur à l’avènement de la IVe République. En 1951, la loi Barangé, en accordant directement aux écoles privées une allocation trimestrielle pour chaque élève scolarisé, permit de subventionner à nouveau l’école catholique. En 1959, la loi Debré organisa la prise en charge financière par l’État de ces écoles, à travers la mise en place des contrats dits « d’association ». Il faudrait aujourd’hui ajouter à ces mesures générales les moyens supplémentaires offerts par les collectivités territoriales, communes, départements, régions, pour subventionner à longueur d’années cet enseignement privé.

Aussi, la FERC CGT est-elle aux côtés de la Fédération nationale de la Libre Pensée (LP) à l’occasion de cette journée nationale pour la défense de la loi de 1905 de Séparation des Églises et de l’État. Aux côtés de la LP, la FERC CGT exige l’abrogation de la loi Debré. L’ensemble de nos syndicats, y compris celui des personnels des établissements privés, revendique la fin du système dual et l’intégration de tous les établissements dans un grand service public d’Éducation Nationale. L’État finançant les personnels sous contrat, et les collectivités prenant un part non négligeable à ce financement, cette revendication est la seule qui offre aux jeunes comme aux personnels des perspectives de progrès. Mettre l’ensemble des ressources dans un système éducatif modernisé, démocratique et émancipateur doit permettre de répondre aux besoins sociaux grandissants qui place l’Éducation au coeur de tout projet de transformation sociale.

Aux côtés de la LP, la FERC CGT exige l’abrogation du décret du 16 avril 2009 portant publication de l’accord entre la République française et le Saint-Siège sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur. Cet accord autorise les établissements religieux à délivrer des diplômes ecclésiastiques au nom du processus de Bologne de l’Union européenne et que la République laïque les reconnaît à égalité avec les diplômes délivrés par l’université. C’est la remise en cause du principe du monopole de la collation des grades qui a fondé l’université républicaine en 1880.

Aux côtés de la LP, la FERC CGT exige l’arrêt immédiat de la mise en place des ComUE (Communautés d’universités et d’établissements) instaurées par la loi LRU-Fioraso Enseignement supérieur et Recherche de juillet 2013. On retrouve en effet au sein de celles-ci des établissements publics et des établissements privés comme les instituts catholiques par exemple.

Aux côtés de la LP, la FERC CGT exige la suppression du diplôme universitaire « religions et sociétés ». Ce gouvernement, en proposant que l’université forme les imams et délivre des diplômes religieux, viole délibérément la loi de 1905. L’État n’a pas à s’ingérer dans la gestion des cultes et à former les religieux. Ce n’est pas à la République d’assurer la formation des prêtres dans les séminaires, pas plus que celle des pasteurs, imams ou rabbins !

Ce meeting national de commémoration et de défense de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État résonne aujourd’hui dans nos consciences d’une façon d’autant plus emblématique après les attentats meurtriers du 13 novembre.
J’ai lu sur une affiche de la LP : «  Démocratie et laïcité sont identiques !  ».
Un combat plus que jamais nécessaire et d’actualité quand, pour la seconde fois cette année, la barbarie frappe, directement dans les rues de Paris et dans des lieux publics, semant mort et désolation sur son passage.

Après la liberté d’expression et le droit au blasphème, c’est dans des lieux de loisirs, de culture ou de fête que s’est déroulé le drame de ce vendredi noir. Cette haine du droit à la vie et à la fête est la manifestation d’un fanatisme mortifère et de l’obscurantisme le plus sombre.

Dès le lendemain, certains quotidiens titraient en une : Massacre à Paris. Comme pour faire écho au titre de la pièce écrite à la fin du 16e siècle par le dramaturge élisabéthain Christopher Marlowe, qui raconte une autre nuit sanglante à Paris : celle de la nuit de la Saint Barthélémy du 23 août 1572, quand les dogmes religieux faisaient couler le sang des innocents...

Quand l’aveuglement religieux servait d’alibi au déchaînement de la violence pour imposer par la force et la terreur une certaine conception du monde.

Trois camarades de la CGT ont aussi été victimes de cette folie avec tant d’autres dont nous avons découvert avec effroi le destin tragique. La FERC CGT tient à exprimer à nouveau sa compassion pour toutes les victimes et assure de son soutien leur entourage et leurs familles si durement éprouvées en s’associant à leur deuil.

L’obscurantisme entend s’approprier le monde en dominant progressivement tous les aspects de la vie sociale. Il flatte les instincts les plus vils. Il produit des clans, des castes, des tribus qui n’ont d’autre échappatoire que l’arrogance, la brutalité et le refus de l’autre qu’il faut éliminer. Il est la manifestation et le fruit des mutations de la domination marchande et de la politique impérialiste des puissances capitalistes de ce monde qui ne savent penser qu’en terme d’assujettissement ou d’asservissement à leurs intérêts spécifiques. Cet obscurantisme est l’expression la plus radicale de l’isolement du savoir des exclus de la stratégie du chaos social que les forces du capital tentent d’imposer partout.

Depuis le 14 novembre, on voit se mettre en place une stratégie de la tension soigneusement entretenue par la peur du danger extérieur et de l’ennemi intérieur que l’on remet au goût du jour. L’état d’urgence, le renforcement des dispositifs sécuritaires et répressifs vont permettre de limiter au strict minimum les exigences démocratiques. Sous couvert de menace intérieure terroriste, on autorise les écoutes, la surveillance du courrier électronique, les perquisitions à toute heure, les gardes à vue illimitées, les détentions administratives, les assignations à résidence…

En habituant la population au quadrillage policier et militaire, en abolissant les droits au secret et à l’intimité, c’est l’état d’exception qui va imposer sa norme à toutes et à tous.

« Cela va être long », « cela va durer » et « il va falloir s’y habituer » répète à l’envi notre premier ministre.

Chacun se souvient de la chape de plomb qui s’est abattue sur les États-Unis au lendemain du 11 septembre 2001 avec le « Patriot Act » et de la désastreuse guerre « libératrice » de l’Irak qui a suivi et provoqué la déstabilisation de toute la région. Créant ainsi les conditions qui ont favorisé l’émergence et l’extension de foyers du terrorisme international qui, de l’aveu même d’Hilary Clinton, sont des « créations américaines ». Quinze ans après, les USA n’en sont toujours pas sortis. En dépit de ses déclarations velléitaires en début de mandat, le président Obama n’a pu mettre fin à l’anomalie morale et politique que représente la prison de Guantanamo.

Sous le couvert de « guerre contre le terrorisme », c’est un arsenal répressif d’exception qui se met en place sous nos yeux. Comme on le voit depuis plusieurs jours, ce ne sont pas seulement les supposés « terroristes » qui sont ciblés, mais toutes celles et tous ceux qui contestent l’ordre établi et la politique gouvernementale. Il s’agit d’empêcher à tout prix la moindre manifestation de résistance sociale contre la stratégie impérialiste du chaos organisé. Là réside la vraie nature de cette guerre !

Une guerre des classes qui se traduisait quasiment au même moment et avant l’instauration du couvre-feu social par l’annonce du licenciement de salariés d’Air France accusés de violences envers les représentants d’une direction qui ne sait afficher que mépris, arbitraire et provocations à l’encontre de ses salariés.

Ainsi que l’écrivait, le lendemain du 13 novembre, le secrétaire général de l’union départementale CGT de la Haute-Garonne, Cédric Caubère, dans un appel aux syndiqués :

« Notre force à nous, c’est notre bien commun, la CGT !

La CGT, c’est avec elle et grâce à elle, que des millions de salariés, tout au long de ses 120 ans d’existence ont pu donner un sens et une traduction concrète aux valeurs et principes de la République inscrits dans la Constitution. Ce sont la justice sociale, les moyens donnés à tous de vivre dignement de leur travail, de se soigner et de vivre sa retraite pleinement, sans oublier la laïcité, le droit à l’éducation et à la culture pour tous.

Les guerres et tous les formes de violence qui touchent la planète, sont la conséquence inéluctable du capitalisme. Elles s’étendent en même temps que lui.
Les propos de JAURÈS sonnent encore plus fort depuis ce 13 novembre : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage »...

De tous temps, la CGT s’est battue pour la paix et l’unité entre les peuples. C’est notamment le sens de notre engagement le 1er mai, c’est l’unique garantie de la sécurité de tous les êtres humains. »

C’est bien dans la lutte des classes et l’émergence d’une conscience de classe que nous trouverons les ressorts qui nous permettront de faire front, collectivement, et d’éradiquer toutes les formes d’obscurantisme et de barbarie.

Alors qu’on veut nous imposer partout la culture de la performance, de la compétition et de la concurrence entre tout et tous, avec la sélection, l’exclusion et l’élimination des concurrents comme remède unique aux illusions individuelles, c’est la solidarité entre les travailleuses et les travailleurs que nous devons cultiver, porter et défendre.

Alors que la nouvelle féodalité libérale entend s’assurer le contrôle et s’approprier le savoir (enseignement dévalorisé, études supérieures assujetties à la domination marchande, privatisation de la recherche scientifique) en abaissant assidûment la conscience critique des futurs citoyens à force de rogner sur les contenus et les exigences disciplinaires, c’est un système éducatif fondé sur un service public national, démocratique, laïque et émancipateur que nous devons promouvoir et défendre.

Si François Hollande et Manuel Valls aspirent réellement à l’unité nationale autour de leurs projets, ce sont les droits des travailleurs, leur dignité, leur liberté d’expression et d’action qu’ils doivent faire respecter et renforcer.

Ce sont la lutte concrète contre le chômage et la précarité, le maintien et le développement de la protection sociale, du droit à la santé pour tous et le droit de partir à la retraite en bonne santé, la défense de tous les services publics, la culture et l’accès à l’éducation pour tous, le respect des libertés syndicales et de l’action syndicale, la défense et l’application intégrale de la loi de séparation des Églises et de l’État, qu’ils doivent mettre au centre de leur action.

La culture et l’éducation sont les seules armes de dissuasion que nous voulons bien mettre à l’épaule et dont nous acceptons de faire usage, dans une société laïque qui, seule garantit nos libertés démocratiques et une vie collective apaisée où chacun peut trouver sa place et s’épanouir.

C’est pourquoi, dans le contexte actuel, le maintien et le succès de cette journée nationale pour la défense et la promotion de la loi de Séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 organisée par la Fédération nationale de la libre pensée revêtent, pour la FERC CGT, une importance particulière de premier ordre.

Gymnase Japy, le 5 décembre 2015

Télécharger le 4 pages de la FERC CGT • LAÏCITÉ : soulever le voile • Juin 2015


Référence électronique

"La FERC CGT pour la défense et la promotion de la loi de 1905", publié le 15 décembre 2015, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article76, consulté en ligne le 15 mars 2024


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