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novembre 2014

2.4. Les conditions de vie des étudiants

Pour comprendre

Depuis le transfert de la masse salariale aux établissements, ceux-ci sont régulièrement en déficit. Les promesses électorales de préservation budgétaire du secteur de l’Éducation nationale ne sont pas tenues dans le Supérieur : sous le subterfuge de « l’autonomie » des dizaines d’universités sont mises en faillite par sous-dotation budgétaire. Ce sont deux millions d’étudiant-e-s et les familles les plus dépendantes du service public, qui sont victimes de ces politiques : victimes des coupes dans l’offre de formation et volumes horaires enseignés victimes pour leur accueil des restructurations de services administratifs et documentaires ; victimes pour leur encadrement pédagogique des gels de postes d’enseignants.

Face au financement d’État insuffisant, les directions imposent l’austérité (réduction d’offre de formation, gel de postes, réduction de budget des laboratoires, licenciements de CDD...), cherchent des financements extérieurs (fonds privés, contrats de recherche...), mais sont également tentées de trier leurs étudiants et d’augmenter considérablement les frais à leur charge.

Les déboires budgétaires s’accumulent, tandis que les sous-dotations, voire les sous-équipements aggravent les conditions d’enseignement et d’accueil des étudiants. La loi LRU-Fioraso, loin de mettre un terme à ces dérives, va accentuer la mise en concurrence des étudiants, des enseignants-chercheurs, des personnels BIATOSS, ainsi que celle des établissements et même des régions, avec pour objectif une distinction des contenus des formations et des savoirs, selon les territoires et les publics visés.

Cette concurrence est largement favorisée par la poursuite de la création des IDEX, les Initiatives d’excellence créées par le gouvernement Fillon, qui allouent des ressources supplémentaires à certaines universités au détriment des autres…
Il faut aussi rappeler que le mécanisme mis en place par APB (Admission Post-Bac) effectue déjà, sous couvert d’orientation, une première sélection des étudiants. Cela reste insuffisant pour les établissements, dont les règles de financement dépendent à présent pour partie de l’insertion professionnelle et de la réussite des étudiants : les directions ont donc intérêt à éviter les étudiants considérés comme les moins « performants » selon ces critères et réclament souvent la sélection des étudiants à tous les niveaux.

Dans ce contexte, certaines d’entre elles, imbues de leur « autonomie », optent volontiers pour la réduction drastique du nombre d’étudiants au lieu d’embaucher du personnel enseignant et BIATOSS. Les pratiques illégales de sélection à l’entrée de l’université existent depuis longtemps, mais elles sont à présent confortées et démultipliées par « l’autonomie » des universités mise en place par la loi LRU de 2007 et aggravée dans le sens de l’éclatement régional par la loi LRU-Fioraso de juillet 2013. Ces pratiques ont pour conséquence de drainer le flux des étudiants vers le privé dont la place ne cesse d’augmenter au détriment de celle du public.

Autre conséquence directe de la loi LRU, la recrudescence des pratiques de frais obligatoires, en suppléments des frais d’inscription réglementaires. Plusieurs dizaines d’universités utilisent ce moyen pour compenser la sous-dotation budgétaire de l’État : ces frais supplémentaires sont parfois de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers d’euros par an.

Ces pratiques s’inscrivent dans la logique financière et comptable correspondant à la mise en œuvre de la LOLF (Loi organique des lois de finances) dans les universités. Elle dénote une volonté de transformer la nature de l’enseignement supérieur public dans le sens de sa rentabilisation. Dans cette logique, les universités ne perçoivent plus des droits d’inscription, mais facturent un service. On ne va plus à l’école pour s’instruire et s’émanciper mais pour obtenir un service (on se souvient du groupe de soutien scolaire Acadomia et de son opération récente « Bachelier ou remboursé »). Ceci amène pernicieusement les étudiants et leurs familles à considérer qu’en entrant à l’Université, ils font un investissement, achetant un service comprenant une formation mais aussi une certaine garantie d’emploi. Ainsi, se justifie peu à peu aux yeux des usagers une prévisible augmentation drastique des frais, université par université, qui amènerait une généralisation des emprunts étudiants, comme aux États-Unis et en Grande Bretagne, pour le plus grand profit des banques.

Ce qui est en jeu, c’est en définitive la marche vers une Université à deux vitesses : d’un côté des établissements sélectifs chers pour une clientèle d’élite ou fortement endettée, fournissant des formations de qualité pour un petit nombre. De l’autre des collèges universitaires sous perfusion pour les étudiants des classes populaires délivrant des diplômes dévalorisés de moindre niveau pour le plus grand nombre.

L’augmentation du coût de la vie, le renchérissement du coût des études supérieures, la perte du pouvoir d’achat limitant l’aide des parents, de nombreux étudiants sont aujourd’hui condamnés à travailler pour subvenir à leurs besoins. Ils occupent le plus souvent des emplois précaires où, sous prétexte de faciliter leurs temps d’études, ils sont soumis à des rythmes et des conditions de travail déplorables.

Suite au développement de l’emprunt pour financer ses études (qui peut aboutir à des situations dramatiques comme on peut le constater aux États-Unis et en Grande Bretagne), on peut assister à des situations de surendettement chez les jeunes.

Pour gagner de nouveaux droits

La FERC Sup CGT est l’une des rares organisations syndicales à militer pour la gratuité des droits d’inscription à l’Université des étudiants. Elle est la garantie d’une égalité d’accès du plus grand nombre dans l’Enseignement supérieur et la Recherche, à l’inverse de la ségrégation sociale qui aujourd’hui tend à réduire le volume des étudiants issus des classes populaires (7%) et à renforcer leur échec en cours d’étude. L’enseignement supérieur doit être public, gratuit et laïque. Il n’est pas un investissement pour la personne, mais un investissement pour le pays qui garantit ainsi les conditions de son développement social et économique à venir.

La FERC Sup CGT a été et doit être à l’initiative d’actions en faveur des étudiants :

  • la loi LRU de 2007 et celle qui la suit en 2013 accentuent et aggravent les causes de ségrégation et d’augmentation du coût des études supérieures. La loi LRU doit être abrogée,
  • le service public d’Enseignement supérieur et de Recherche doit être accessible librement, sans sélection ni frais d’inscription, pour tous et sur tout le territoire national, y compris dans les établissements publics à statut dérogatoire,
  • l’augmentation en nombre et en montant des bourses sur critères sociaux, versées de manière régulière, sur 12 mois, avant d’instaurer une allocation pour les étudiant-e-s se déclarant fiscalement indépendant-e-s de leurs parents,
  • tous les étudiant-e-s doivent pouvoir bénéficier de conditions de vie décentes : le droit au logement étudiant nécessite la construction de plusieurs dizaines de logements étudiants CROUS dans un plan pluriannuel dûment financé,
  • il faut assurer la reconnaissance d’un droit universel des étudiants dans l’accès aux soins, développement des centres de santé universitaires et mise en place de permanences de la CPAM sur les campus universitaires,
  • il faut assurer l’égalité des droits entre les jeunes chercheurs français ou européens et les jeunes chercheurs étrangers hors UE et mettre un terme définitif aux expulsions d’étudiants étrangers,
  • pour tous les étudiants étrangers, l’accès au système d’aides sociales, la création d’un guichet unique d’accueil au sein des universités et la mise en œuvre effective d’un titre de séjour pluriannuel.

La FERC Sup CGT met en débat

La FERC Sup CGT est opposée aux aides individuelles au logement : ces aides individuelles aboutissent systématiquement dans les poches des propriétaires de logements, alimentent les hausses de loyer et la spéculation immobilière. Les budgets qui ont été transférés aux aides individuelles doivent revenir au financement des œuvres, afin de financer immédiatement la construction massive de logements sociaux et étudiants. Les loyers baisseront mécaniquement avec la fin de la pénurie du logement social qui a été organisée ; en attendant, les loyers doivent être strictement encadrés.

La FERC Sup CGT doit être un soutien pour les étudiants salariés et avec l’aide des organisations territoriales CGT (UD et UL) mettre à leur disposition un accompagnement pour qu’ils puissent mieux se défendre. Les personnels de l’ESR doivent aussi s’assurer que la situation de ces étudiants salariés est bien prise en compte par les enseignants et l’administration universitaire.

Avec le soutien des UD et de l’organisation CGT de consommateurs INDECOSA, les syndicats FERC Sup CGT peuvent mettre à disposition des étudiants des outils leur permettant de gérer les situations de crise dues au surendettement. De la même façon, avec le soutien des UD et d’INDECOSA, les syndicats peuvent accompagner les étudiants face aux propriétaires qui abusent de leur inexpérience en matière de logement.

En matière d’études, les syndicats FERC Sup CGT doivent se rapprocher des étudiants et de leurs organisations pour des réunions d’information sur les conditions de travail dans les établissements et les laboratoires. Les syndicats CGT de l’ESR doivent pouvoir jouer le rôle de formateurs sur ces questions avec les étudiants. L’observatoire fédéral des conditions de travail pourra être sollicité pour ce travail ou l’organisation de campagnes d’information.

Au-delà, la FERC Sup CGT, considérant que les étudiants sont les futurs salariés, met en débat la question du rôle et de la place de la CGT dans le syndicalisme étudiant : pourquoi ne pas impulser la création de syndicats CGT étudiants dans tous les établissements ?

La loi LRU-Fioraso incite au développement des stages en entreprises tout au long de la scolarité dans le supérieur. Les stages constituent dans l’immense majorité des cas la fourniture d’une main d’œuvre à très faible coût (en particulier sans cotisations sociales) et corvéable à merci, livrée pieds et poings liés au patronat.

Les stages, avec d’autres formes de précarité, ont été imposés comme forme de travail à la jeunesse au prétexte de l’amélioration de l’emploi. On peut constater que si le chômage des jeunes n’a pas baissé, en revanche les conditions d’exploitation de la jeunesse se sont considérablement durcies, avec un impact négatif également sur tous les autres salariés, pour le plus grand bénéfice du patronat.

Face au développement des stages, les salariés doivent lutter pour que le CDI redevienne la forme normale de l’embauche pour tous les salariés, y compris les jeunes. Les stages doivent être sévèrement et sérieusement encadrés par les équipes pédagogiques pour s’assurer qu’ils sont effectivement réalisés dans le cadre d’un projet pédagogique qui l’emporte sur toute préoccupation de participation à la production dans les entreprises ou organismes d’accueil. Cela suppose un accroissement de moyens, notamment la création de postes d’enseignants et de personnels administratifs, dans les formations, pour réaliser ce travail dans de bonnes conditions.

Enfin, ils doivent être correctement indemnisés, ce qui suppose une amélioration des conventions de stage.

La FERC Sup CGT portera ces réflexions et propositions d’actions vers les différentes organisations concernées de la CGT.


Référence électronique

"2.4. Les conditions de vie des étudiants", publié le 3 novembre 2014, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article50, consulté en ligne le 15 mars 2024


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