Revue syndicale à caractère scientifique et culturel de la CGT FERC Sup

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Accueil > Tous les cahiers thématiques > Évaluer les enseignants-chercheurs ? > Engagements et revendications des candidats de la FERC Sup CGT > I • Engagements pour la présente session CNU

avril 2011

I • Engagements pour la présente session CNU

1 • Inverser la charge de la preuve : le CNU doit commencer par faire ses preuves devant la communauté scientifique

a) Ouvrir la boîte noire du CNU : Le CNU doit travailler en toute transparence
Jusqu’à présent le CNU a toujours fonctionné dans une relative opacité… mais son rôle était plus limité. Les nouvelles fonctions du CNU imposent d’assurer la plus grande transparence possible quant à ce qui se passera au sein de chaque section. Toute politique véritable d’évaluation, si elle doit répondre à des critères scientifiques fiables, doit commencer par l’énoncé de ces critères et leur publication. Avant de pouvoir évaluer - et non noter - quelque travail que ce soit, les évaluateurs doivent faire évaluer leurs critères d’évaluation auprès de leur communauté : les candidats de la FERC Sup CGT auront pour tâche d’exiger et de vérifier que les commissions dans lesquelles ils siègent explicitent leurs critères et les publient. Les élus auront à rendre compte continuellement, immédiatement, et de manière exhaustive, des délibérations au sein de chaque section CNU dans la seule limite du droit et de la confidentialité des données individuelles : les choix de critères, leurs modalités d’application, les tendances observables dans leur mise en oeuvre peuvent juridiquement être rendus publics par les représentants élus et doivent l’être. En s’appuyant sur l’obligation faite à chaque section CNU de rendre publics “les critères, les modalités d’appréciation des candidatures et d’évaluation des enseignants-chercheurs” (art. 1 du décret de 1992), les élus des listes portées par la FERC Sup CGT appelleront à une consultation de tous les membres de la section CNU pour délibérer sur les critères d’une évaluation digne de son nom. La convocation d’assemblées générales, les sites web et listes de diffusion par courriel rendent possible aujourd’hui cette expression des élus et des délibérations larges à l’échelle des disciplines. C’est une condition nécessaire à ce que les critères du CNU puisse être reconnus et évalués par la seule instance compétente pour le faire : la communauté scientifique ellemême.

b) Siéger ensemble pour une véritable évaluation scientifique
L’objectif de la pure et simple évaluation scientifique amène à s’interroger sur le bien-fondé du fait de se priver du savoir utile des uns ou des autres en raison de l’inadéquation de leur grade. Les lois de la gravité ne sont pas différentes pour les MCF et les PU : il n’y a pas deux sciences différentes pour chaque corps de la fonction publique. Si, conformément aux statuts de la fonction publique, l’article 15 du décret de 1992 encadrant les missions du CNU stipule qu’un fonctionnaire ne saurait voir les questions relatives à son recrutement et à sa carrière examinées que par des membres du CNU d’un rang égal au sien, la nouvelle mission attribuée au CNU d’évaluation des activités des enseignants chercheurs n’est pas quant à elle explicitement encadrée par cet article, puisqu’elle ne concerne ni le recrutement ni la carrière de ces fonctionnaires. Dans le cadre de cette nouvelle mission d’évaluation scientifique des activités d’enseignement et de recherche, nous demandons que les élus des deux collèges siègent ensemble lors de l’évaluation des activités de tous les enseignants chercheurs, quels que soit leurs corps d’appartenance.

c) Disponibilité et rigueur des élus au CNU
La rémunération de ce travail, comme de n’importe quel autre, nous paraît normale, mais nous demanderons aux élus de convertir leur « prime » en décharge de façon à augmenter leur disponibilité plutôt que d’augmenter leurs revenus. Enfin, la charge de travail étant considérable et difficilement soutenable sur plusieurs années, nous suggérons aux élus de faire alterner les titulaires et les suppléants une année sur deux, là encore afin d’assurer la plus grande disponibilité de chacun dans l’exercice de cette fonction.

2 • Refus de toute forme de notation managériale sous couvert d’évaluation scientifique

Aucune évaluation ne vaut si elle ne procède pas d’une prise de connaissance intégrale des contenus pédagogiques et scientifiques. Ce qui signifie qu’aucune recherche ne peut être évaluée si elle n’a pas été intégralement lue ; aucun enseignement oral ne peut être évalué sans avoir été entendu ; aucune responsabilité administrative ne peut être évaluée sans avoir été inspectée. En l’absence de telles garanties, il ne s’agira pas d’évaluation mais d’une tentative technocratique, à des fins budgétaires et politiques, de mise au pas des enseignants-chercheurs, soumis à des critères managériaux de performance, mesurée par des critères superficiels et extérieurs à ce qui fait le coeur de ces activités. Dans tous les cas, ce refus de la standardisation de l’évaluation implique celui de l’informatisation de la remise des rapports d’activité, dans un cadre et des cases uniformes d’élaboration.

a) Refus de toute forme de notation
à l’issue de la procédure d’évaluation des enseignants-chercheurs en poste

Le classement individuel des EC par le CNU, dans le temps imparti, sur la seule base d’un rapport d’activité, ne saurait passer pour une évaluation digne de ce nom. Elle ne peut dans ces conditions que se raccrocher aux pseudo-critères d’excellence en vogue : nombre de publications dans les revues bien vues par les agences, primes et distinctions, etc. Nous refusons cette entreprise de subordination aveugle des enseignants-chercheurs, tous issus des mêmes processus de recrutement et de promotion fondés sur une patiente évaluation qualitative, et auxquels par conséquent une égale présomption de qualité doit être accordée dans la présente situation.

b) Refus de fonder l’évaluation sur les critères de prétendue excellence
Dans le cadre de la campagne de qualification et de promotion, les critères de bibliométrie, de publication dans des supports côtés par des agences non élues, hors de tout contrôle scientifique de la communauté, les obtentions de crédits auprès d’instances non élues, les distinctions et primes diverses décernées par des commissions non élues, l’appartenance à, ou la scolarité accomplie dans des établissements réputés prestigieux, doivent être relativisé, soumis et subordonnés à la seule évaluation scientifique véritable : l’épreuve de lecture patiente des travaux des candidats. Nos élus devront vérifier que les conditions leurs sont donnés pour accomplir en toute rigueur cet examen approfondi.

3 • Contre la standardisation de l’évaluation

a) Défendre le pluralisme linguistique dans la communication scientifique
La publication dans une langue donnée, plutôt que dans autre, ne saurait être un critère favorable ou défavorable d’évaluation. Par exemple, la publication en langue anglaise, si elle peut avoir sa légitimité, en raison de la fonction de langue commune du débat scientifique qu’elle remplit, en particulier dans les disciplines scientifiques, ne saurait pourtant être érigée, dans toutes les disciplines, en standard absolu d’évaluation, et ceci pour deux raisons principales. L’hégémonie d’une langue, quelle qu’elle soit, peut s’accompagner de l’imposition de certains lieux de publication, de certaines revues, de certains paradigmes, de certains objets et de certaines méthodes, au risque de propager l’ignorance volontaire d’une partie conséquente de la production savante mondiale, dont la diversité et la richesse s’appuient aussi sur la diversité linguistique. Contre le risque d’un tel formatage des objets et des méthodes et contre la tendance des agences d’évaluation à privilégier cette standardisation de la production scientifique, nous prenons la défense du pluralisme linguistique dans les publications internationales et nationales. Il ne saurait non plus être question d’indexer systématiquement le fameux « rayonnement international » à l’usage de telle ou telle langue de communication : sur bien des sujets, notamment en sciences humaines et sociales, la qualité des travaux et leur rayonnement n’ont pas de relation mécanique avec l’usage d’une langue particulière de communication. En outre, le service public d’enseignement et de recherche doit garantir l’accessibilité au plus grand nombre des savoirs scientifiques. L’objectif de démocratisation de l’accès aux savoirs notamment auprès de tous les étudiants, le souci de diffusion des connaissances scientifiques auprès de l’ensemble du secteur éducatif, de la petite enfance au supérieur, la nécessité plus urgente que jamais de la participation des chercheurs aux débats publics, la nécessité aussi de faire reconnaître la valeur du travail scientifique dans la société, impose de considérer comme indispensables les publications en langue française, langue de la République mais aussi de la francophonie, langue internationale et multiculturelle, ouverte au concert de toutes les langues, anciennes et vivantes, internationales, nationales et minoritaires.

b) Combattre les rentes de situation
Les nouveaux élus devront lutter en particulier contre certains travers bien connus du système français et que la politique gouvernementale actuelle tend à aggraver considérablement : en particulier l’élitisme institutionnel privilégiant les collègues appartenant à certains établissements et à certains programmes réputés “prestigieux” ou mieux dotés financièrement ; le parisianisme qui densifie les réseaux de relations sociales autour des personnes et institutions dirigeantes et favorise les évaluations élogieuses ; le clientélisme qui réduit les critères d’évaluation à ceux qui sont favorables à telle ou telle chapelle, sensibilité, paradigme ou réseau… et d’autres encore qui se superposent parfois de manière cumulative. La loi LRU pousse au renforcement de ces défauts systémiques qui nuisent au pluralisme intellectuel indispensable aux sciences humaines et sociales notamment.

c) Compter toutes les charges d’encadrement
Il n’y a pas lieu de distinguer une liste des thèses dirigées au niveau du Doctorat, de la direction des autres travaux d’étudiants dans les années de Licence et dans les années de Master. La seule prise en compte de l’encadrement de thèses de doctorat ne suffit pas puisque les charges d’encadrement des travaux d’étudiants se répartissent sur tous les enseignants et toutes les années du L-M-D. Il faut donc inclure dans l’évaluation de la charge d’encadrement la totalité des travaux individuels, mémoires, rapports quels que soient les diplômes ou les années d’enseignement. Le travail annuel de suivi des mémoires de recherche ou des rapports de stages, dans les Licences et dans les Master représentent des volumes d’heures de travail considérables qui pèsent sur tous. Il n’y a donc aucune raison de dissocier le troisième niveau du Doctorat, des deux précédents.

d) Valoriser l’équilibre de l’enseignement et de la recherche
Le statut de l’enseignement chercheur sur lequel s’appuie le service public d’enseignement et de recherche a fait l’objet d’une offensive systématique de la part de ce gouvernement, à la fois par la modulation, mais aussi par le financement de la recherche sur projet qui entraîne un gaspillage de temps considérable en rédaction de projets de recherches pour diverses instances, ou encore par l’usage accru d’instances visant à dégager une élite universitaire déchargée de ses tâches d’enseignement. Il convient d’empêcher l’application des indicateurs d’être défavorables aux collègues qui choisissent d’accomplir leur mission de service public dans tout son équilibre : prendre le temps de mener une recherche indépendante et exigeante et de construire des enseignements exigeants et stimulants, sans multiplier les publications formatées, la course aux appels à projets, aux primes et autres marqueurs extérieurs d’ “excellence”. Seule l’épreuve approfondie du savoir produit et dispensé peut constituer une évaluation scientifique.

e) Pour l’amélioration des carrières des enseignantes-chercheuses
Comme dans la plupart des professions, la carrière des enseignantes-chercheuses est, dans l’immense majorité des cas, largement défavorisée en comparaison à celle de leurs collègues masculins. Cela se traduit notamment par une sous-représentation notable des femmes Professeurs d’Université (PU), par rapport au nombre de femmes Maîtres de Conférence (MCF). Ainsi, la part des femmes parmi les Professeurs d’Université représente la moitié du taux de femmes chez les Maîtres de Conférence : globalement, il y a 42,4% de femmes parmi les MCF, mais il y a seulement 22,6% de femmes chez les PU (avec des variations selon les groupes : en Droit, il y a 45,5% de MCF femmes contre 23,1% de PU femmes, en Lettres 54,5% contre 34%, en Sciences 32,6% contre 15,4%, etc.). S’il n’appartient pas au CNU de régler ce problème de fond, il doit toutefois être attentif à la question de la parité dans ses débats et particulièrement lors des évaluations et pour les promotions. Les élus CGT défendront en particulier la prise en compte effective de la maternité dans la carrière des femmes : l’année d’accouchement marque en général une pause légitime dans la vie professionnelle et donc dans les recherches, il convient donc de ne pas la considérer dans le décompte publiant/non-publiant. Nous demandons en conséquence de retrancher au moins un an de carrière scientifique d’une femme par naissance. C’est l’une des pistes qui devrait permettre de contribuer à améliorer les carrières des femmes dans notre secteur.


Référence électronique

"I • Engagements pour la présente session CNU", publié le 11 avril 2011, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article27, consulté en ligne le 15 mars 2024


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