Revue syndicale à caractère scientifique et culturel de la CGT FERC Sup

Nuage de mots


Dernière publication



La Résistance s’organise


Accueil > Tous les cahiers thématiques > Document d’orientation de la CGT FERC Sup • 3e congrès (Blainville-sur-Mer (...) > 1. La situation dans l’ESR > 1.6 L’apprentissage dans l’ESR

juillet 2017

1.6 L’apprentissage dans l’ESR

Tout d’abord, il convient de préciser que l’apprentissage relève bien du domaine de la formation initiale.

L’alternance peut être une méthode pédagogique, complémentaire aux autres approches, et justifiée dans le cadre d’une formation professionnalisante.

L’objectif réaffirmé, d’atteindre 500 000 apprentis en 2017, tous niveaux de formation confondus, a été fixé dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi du 6 novembre 2012 et Geneviève Fioraso, alors ministre de l’ESR, souhaitait atteindre le nombre de 250 000 apprentis dans l’ESR en 2020.

Aujourd’hui, il existe peu de données critiques relatives à l’apprentissage dans l’ESR. Ce n’est qu’à partir de la réforme dite Seguin de 1987, que l’apprentissage dans l’ESR devient possible et c’est à partir de 1995 qu’il s’y développe réellement, notamment dans les formations les plus techniques des cursus de formations : écoles d’ingénieurs, écoles de commerce ou établissements d’enseignement supérieur et de recherche (droit, gestion, finance…).

C’est entre 2004 et 2012 que les effectifs d’apprentis croîtront de manière très significative (17% en 2004 et 30% en 2011). Cette croissance de l’apprentissage dans l’ESR a pris corps de manière très opportune, d’une part, sur le développement de la professionnalisation dans l’ESR, et d’autre part, sur le fait que la région Ile-de-France en a été un élément central (70% des apprentis dans cette région le sont dans des formations Post Bac).

En 2013, si le cap des 120 000 apprentis est franchi dans l’ESR, il ne compense ni la baisse tendancielle générale du nombre d’apprentis, ni la désaffection des jeunes pour cette filière.

Si les diplômes correspondant aux emplois les plus qualifiés connaissent un réel engouement (Masters : + 8 195 apprentis, soit + 273%, diplômes d’ingénieur : + 6 930 apprentis, soit + 97%), l’écart relatif de l’insertion professionnelle entre les apprentis de l’ESR titulaires de ces diplômes et les étudiants, eux aussi titulaires de diplômes de filières identiques, tend à se resserrer.

Ce constat constitue à la fois le reflet et l’échec des politiques mises en œuvre depuis près de 30 ans par tous les gouvernements successifs, quels qu’ils soient.

Pour quelles raisons ?

On peut constater tout d’abord une très nette augmentation de la courbe du nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur et la recherche entre 2004 et 2012. Mais cet accroissement cache une réalité extrêmement éloignée du seul intérêt social et pédagogique des jeunes apprentis. La modification du marché de l’emploi, mais aussi et surtout, l’irruption du chômage massif des jeunes ont conduit tous ces gouvernements successifs à faire passer le regard porté sur la formation professionnelle et l’apprentissage, de la politique de la formation à celle de l’emploi. Non contents de s’attaquer aux qualifications et à la nature du contrat de travail, ils ont entamé un travail de sape au terme duquel, c’est le service public national d’enseignement supérieur et de recherche, fondé sur des cursus de formation initiale qui est remis en cause au nom de la professionnalisation et de l’utilitarisme des cursus universitaires. Ainsi ce sont des filières de formation initiale qui disparaissent ou tendent à disparaître ainsi que leurs diplômes, dans un tel contexte.

À de très nombreuses reprises, la CGT a dénoncé cette grave dérive dans l’ESR.

Une autre réalité s’impose : le désengagement financier de l’État qui ne touche pas uniquement les collectivités territoriales. Les lois de décentralisation de 1984 qui confient la formation professionnelle et l’apprentissage aux régions qui viennent de se créer, introduisent la séparation entre un dispositif national (Éducation nationale et ESR) et un dispositif régional de gestion (l’apprentissage).

Autour du dossier de l’apprentissage, les conseils régionaux ne vont cesser de réaffirmer leur identité, leur appétit et un motif d’affirmation vis à vis de l’État.

Ces lois ont des effets secondaires au niveau de l’ESR.

Les lois LRU-Pécresse (2007) et LRU-Fioraso (2013) en renforçant l’autonomie financière de tous les établissements d’enseignement supérieur et de recherche n’ont en fait abouti qu’à précariser, voire à plonger dans un déficit financier récurrent, la plupart de ces établissements. Dès lors les conseils d’administration de ces derniers, n’ont eu de cesse de rechercher les moyens financiers de l’équilibre budgétaire. Le ministère le reconnaît lui-même : « La plupart des formations proposées en apprentissage par les universités, l’ont été pour pallier la diminution des dotations ministérielles et pas seulement pour répondre aux besoins des branches ou entreprises ».

En dispensant des formations par apprentissage, les établissements d’enseignement supérieur et de recherche bénéficient des fonds issus de la taxe d’apprentissage via les Centres de formation d’apprentis (CFA) auxquels ils sont rattachés (remboursement, mise à disposition des salles, salaires des enseignants…). Ils bénéficient aussi de dotations calculées par le ministère grâce au modèle SYMPA (Système de répartition des moyens à la performance et à l’activité) en fonction du nombre d’étudiantes et d’étudiants inscrits aux examens (dont les apprentis).

C’est ainsi qu’en Île-de-France, quasiment toutes les universités ont recours aux formations en apprentissage avec pour objectif principal de combler les déficits budgétaires.

La régionalisation (vision propre de l’apprentissage de chaque région, bassins d’emplois différents, financements eux-mêmes différents et priorité différentes des niveaux de formation), le désengagement financier de l’État, les lois LRU-Pécresse et LRU-Fioraso d’autonomie financière, de responsabilité et compétences élargies pour les établissements, mais aussi la pression permanente du MEDEF mise en œuvre à l’encontre des missions d’enseignement universel assignées au système universitaire, national, public et laïque, aboutissent à atomiser le modèle de l’apprentissage et à le transformer dans l’enseignement supérieur et la recherche, en un outil propre aux seuls intérêts du patronat.

Ce n’est pas le dernier dispositif d’exonération complète de charge et de salaire (en un mot la gratuité du salarié apprenti) pour tout employeur de PME recrutant un apprenti et inscrit dans le projet de loi sur le dialogue social examiné en conseil des ministres le 22 avril 2016, qui inversera cette situation.


La CGT FERC Sup met en débat

  • L’ouverture de la Fonction publique au recrutement des apprentis.
  • La présence de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur est-elle justifiée ?

Référence électronique

"1.6 L’apprentissage dans l’ESR", publié le 23 juillet 2017, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article85, consulté en ligne le 15 mars 2024


Article précédent - Article suivant

FERC-Sup CGT