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novembre 2014

2. L’enseignement supérieur et la recherche en jeu

L’Enseignement supérieur et la Recherche publics sont au centre d’enjeux et de stratégies de portée considérable.

2.1. Une orientation déterminante au sein de l’Union Européenne

L’Éducation en général, l’Enseignement supérieur et la Recherche publics en particulier, n’échappent pas à ce triple mouvement de démantèlement / ouverture à la concurrence / privatisation. En Europe, c’est l’Union européenne au service du capital qui mène la danse : la Stratégie de Lisbonne énonçait en 2000 l’objectif visant à faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010 ».

Cette orientation de l’UE a favorisé deux types de processus :

  • la désindustrialisation accélérée de la France (transfert des productions vers des pays ou les salariés sont moins protégés pour abaisser le coût du travail),
  • la fragilisation et la mise en difficulté des Services publics d’Éducation nationale et d’Enseignement supérieur et de Recherche,
  • l’ouverture progressive de ces deux secteurs au privé.

Dans la continuité politique de la Stratégie de Lisbonne, la stratégie « UE 2020 » a été décidée en 2010 : c’est « une stratégie pour une croissance intelligente [sic !], durable et inclusive » qui vise des buts nobles, comme « consacrer 3% du produit intérieur brut à la recherche et au développement », objectif toujours rappelé mais jamais atteint, comme « porter à 40% la proportion des personnes de 30 à 34 ans ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ». Cet objectif peut paraître positif mais il s’avère bien discutable quand on regarde son application (cf. l’objectif des 80% d’une classe d’âge ayant le baccalauréat, sans les moyens afférents). Au-delà de cet affichage, les objectifs de « développer une économie basée sur la connaissance et l’innovation », « d’exploiter des possibilités de l’économie numérique et la modernisation de l’éducation et de la formation », « d’améliorer les politiques de recherche et développement » et de « faciliter le financement de la R&D », doivent être confrontés à la réalité de la politique menée jusqu’à présent par les gouvernements successifs.

L’Éducation, l’Enseignement supérieur et la Recherche en particulier, constituent un gisement potentiel de profits énormes qu’il est temps de mettre au pas afin de leur faire rendre gorge, pour le plus grand profit des grands groupes financiers.

2.2. Financiarisation et privatisation en cours de l’ESR

2.2.1. Transformation des modalités de financement de l’ESR

Depuis plusieurs années, on constate une évolution persistante des modes de financement vers une financiarisation sans cesse accrue dans notre secteur.

La mise en œuvre des Partenariats Public-Privé (PPP) pour la construction des équipements immobiliers et la fourniture de certains services participent de cette évolution. La mise en place d’un PPP nécessite la création d’une structure partenariale qui va réaliser les emprunts nécessaires à la réalisation de l’équipement. L’établissement de Service public demandeur s’engage à rémunérer le service (construction, maintenance et autres prestations) sous forme d’un loyer, sur une très longue durée (rarement inférieur à 30 années) au groupement d’entreprises (généralement une des trois ou quatre majors nationales du bâtiment) avec lequel elle a passé contrat. Ce loyer, de l’ordre de plusieurs millions d’euros annuels, constitue un boulet financier considérable dans la gestion de l’établissement. Toute modification au contrat initial est facturée au prix fort sans qu’aucune garantie ne soit apportée à l’établissement client (cf. le problème des locaux de l’université de Paris 7, alors dirigée par le président Vincent Berger, dont une partie des locaux construits dans le cadre d’un PPP viennent d’être déclarés impropres à l’accueil du public).

Après leur accession au pouvoir en 2007, Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse ont imposé que tout le projet de l’Opération campus concernant 12 sites sur l’ensemble du territoire fasse obligatoirement appel à la procédure du PPP. Cette opération, financée par la vente d’une partie du capital d’EDF, a également accentué le processus de financiarisation de l’ESR. En effet, les sites lauréats de l’Opération campus ont reçu une dotation en capital qui ne pouvait être directement dépensée. Ce capital devait être placé auprès de la Caisse des dépôts et consignation et ce sont les produits financiers, c’est-à-dire les intérêts générés par ce capital, qui servaient de garantie aux emprunts qui devaient être réalisés. Dans la même logique, les financements dits « d’excellence » liés aux Investissements d’avenir du Grand emprunt fonctionnaient de la même façon pour l’essentiel. Ce mode de financement particulier soumet les établissements d’ESR publics au risque financier et par là même le fragilise grandement dans son fonctionnement et dans la réalisation de ses missions.

Ce type de financement fondé sur les revenus du capital ne permet pas de construire un Service public fort et pérenne, ce dont ont besoin l’ESR, ses personnels et les usagers. Bien au contraire, il contraint à intégrer la précarité et le risque comme seuls modes de gestion possibles. En outre, ce montage financier et budgétaire est critiquable en soi : ce n’est pas le rôle de l’État d’alimenter et de profiter de la spéculation. Pas plus que ce n’est son rôle d’organiser la privatisation rampante de pans entiers de l’activité de l’ESR. Enfin, la question de la pertinence du financement public par ce biais de projets privés dans le cadre de ces procédures ou à travers les pôles de compétitivité reste posée.

2.2.2. Financiarisation des études supérieures

Mais ce processus de financiarisation concerne également les usagers, les étudiants et leurs familles, à travers les frais d’inscription. En effet, compte tenu du nombre d’inscrits, les frais d’inscription constituent un véritable enjeu pour les établissements puisqu’ils représenteraient une source de financement non négligeable si leur libération, et donc leur augmentation, étaient acquises.

Aujourd’hui, les droits d’inscription sont contenus par le ministère qui en fixe le niveau, excepté pour les établissements ayant opté pour le statut de grand établissement dérogatoire en matière de droits d’inscription et de frais de scolarité.

Comme cela se fait déjà aux États-Unis et en Grande Bretagne, rendre les études supérieures onéreuses permettrait de démultiplier le très juteux marché des emprunts étudiants. Ce marché potentiel intéresse directement le capital financier et l’ensemble du système bancaire largement internationalisé.

Cela aurait également pour conséquence immédiate une diminution rapide du nombre d’étudiants des classes populaires, déjà souvent « démoralisés » à l’idée de faire des études supérieures à l’université et qui y renonceraient si ces études devenaient beaucoup plus chères. L’autre conséquence pernicieuse est la transformation progressive de la notion d’étudiant-usager à celle d’étudiant-client – celui à qui on va offrir un service – qui va exiger de pouvoir bénéficier d’un service en retour avec l’espoir de rentabiliser l’investissement qu’il réalise avec ses études. C’est une totale perversion de la nature du Service public et de la relation qu’entretiennent avec lui les citoyens. Cette tendance, déjà amorcée et promue par nombre de médias, met les étudiants et leurs familles en situation de concevoir les études comme un investissement, utile et nécessaire, susceptible de garantir des emplois et un statut social de niveau supérieur avec des rémunérations plus confortables à terme. Cette espérance justifierait que l’on puisse s’endetter, c’est-à-dire emprunter auprès d’une banque pour faire ses études, avec l’engagement de rembourser le prêt consenti à la fin de ses études, que l’on ait un emploi ou non. On sait à quels drames conduit cette financiarisation des études dans les pays où cela se pratique déjà : des jeunes contraints de se déclarer en situation de faillite personnelle faute d’emploi à l’issue de leurs études !

Ainsi, si cette dérive mercantile devait se confirmer, l’Enseignement supérieur ne constituerait plus un investissement collectif du pays pour sa jeunesse mais un investissement personnel qui mériterait que l’on s’endette pour cela. Suivant cette logique, les universités ne percevraient plus des droits d’inscription, mais factureraient des frais de scolarité pour un service complet comprenant formation, conditions d’études et aide à l’insertion professionnelle (mission nouvelle attribuée aux universités par la loi LRU-Pécresse).

En imposant sa loi en juillet 2007, Valérie Pécresse avait fait la promesse de ne pas toucher aux frais d’inscription. Mais, la mise en place du budget global par les RCE dans chaque établissement et le financement public d’État insuffisant poussent les établissements à rechercher des solutions au manque de moyens. Il y a donc contradiction entre une réglementation nationale des droits d’inscription et des budgets locaux. On notera qu’une étude réalisée par l’UNEF et publiée en juillet 2013 a montré que cette réglementation était fréquemment transgressée par les établissements. À terme, à moins d’une opposition déterminée des personnels et des usagers avec leurs organisations respectives, cette contradiction ne pourra être résolue qu’avec la libération des tarifs et l’augmentation rapide du coût d’inscription dans les filières dites porteuses et rentables.

Il n’est pas question pour nous de transiger avec le principe de gratuité des études supérieures. Le financement d’État récurrent et à la hauteur des besoins doit préserver la jeunesse de tout système de sélection et de ségrégation sociale auquel ne manqueraient pas d’aboutir l’augmentation du coût des études et la nécessité d’un recours à l’emprunt. C’est pourquoi nous sommes favorables à un système de bourses d’études, sachant que les étudiants ne sont pas des salariés. Il conviendra donc d’analyser avec attention la modification des règles d’accès aux bourses, l’éventuelle création d’une allocation d’études, et leur impact sur le financement des Œuvres et la politique fiscale.

2.3. Pour l’émancipation du citoyen et des travailleurs

L’accès à une formation supérieure au plus haut niveau pour les classes populaires et l’indépendance du contenu des programmes vis-à-vis des pouvoirs économiques, politiques et religieux sont le résultat de combats séculaires, toujours renouvelés.

Parce que l’émancipation des citoyens prend nécessairement appui sur la formation et la culture, la CGT entend prolonger, dans les établissements d’Enseignement supérieur et de Recherche, son action de défense et de construction d’une École réellement gratuite pour tous les élèves et étudiants quelle que soit leur situation familiale. De plus, ce système éducatif doit être égalitaire, laïque, accessible en tout point du territoire, tant pour l’activité pédagogique que pour l’activité scientifique. Il doit être par ailleurs totalement ouvert à la diffusion des connaissances dans toute la société, sans discrimination ni exclusive.

Notre système éducatif a pour finalité première et principale, de la maternelle au supérieur, de permettre l’élévation du niveau des connaissances et des qualifications de l’ensemble de la population. Les diplômes nationaux attestent de ces qualifications, de manière égale pour tous pour un niveau donné. La formation, l’éducation du plus grand nombre, au plus haut niveau possible, sont un investissement hautement utile socialement car les retombées de cette mission irriguent la société dans son ensemble.

L’élévation du niveau culturel, technique et scientifique de tous les citoyens et de tous les travailleurs doit leur permettre de comprendre la manière dont fonctionnent le monde et la société dans lesquels ils vivent et travaillent, de les maîtriser et de s’y épanouir tout au long de leur vie.

Le système éducatif doit pouvoir jouer pleinement son rôle d’ascenseur social et de vecteur d’émancipation.

À l’inverse, le contrôle de l’Enseignement supérieur reste un enjeu crucial pour le patronat qui a une position diamétralement opposée. Pour lui, les formations doivent viser à « l’employabilité » du jeune salarié afin de répondre au mieux et au plus vite à ses besoins immédiats. Pour parvenir à ce but, il entend que soient revus les enseignements et les contenus pour être plus « professionnalisés ».
Suivant cette logique, les disciplines enseignées doivent être triées sur le volet et ne pas inciter à des comportements considérés comme subversifs par le patronat ou contraires à la « culture entreprenariale ». Cela a suscité l’introduction des compétences dites transversales de savoir-être dans les contenus de formation (cf. Le projet européen Tuning Educational structures in Europe mis en place avec le Processus de Bologne) et leur prise en compte pour l’évaluation des étudiants. En réclamant des enseignements toujours plus proches de ses besoins immédiats, le patronat a pour objectif de transférer au système éducatif la phase d’adaptation au poste de travail. Cette phase d’adaptation, généralement réalisée au sein de l’entreprise à l’arrivée du salarié, représente un coût dont le patronat entend désormais récupérer une part la plus importante possible pour accroître la rentabilité financière des entreprises.

Alors que les connaissances ont besoin de richesse, de variété et de foisonnement pour se développer, c’est au contraire un vaste mouvement de formatage des disciplines, de réduction de l’offre de formation, de « professionnalisation » des enseignements qui est à l’œuvre. Dorénavant, l’austérité budgétaire sert de prétexte à la fermeture de filières d’enseignement, de disciplines considérées comme non rentables. Sous le fallacieux prétexte d’améliorer l’insertion professionnelle des étudiants en renforçant les liens entre universités et entreprises, laissant accroire ce faisant que la formation serait responsable du chômage, les lois LRU-Pécresse et LRU-Fioraso ont renforcé la présence du patronat dans les conseils d’administration des établissements et dans la vie des établissements (conseils de perfectionnement). Le patronat a ainsi la possibilité de faire valoir directement ses intérêts propres sur les orientations stratégiques des établissements et sur leurs formations. De plus, la mise en place de stages se généralise toujours plus, au détriment des heures de cours et des intérêts des étudiants qui fournissent ainsi au patronat des cohortes de main d’œuvre à très faible coût et corvéable à merci. La réforme de la Licence et l’explosion des Licences professionnelles ont eu pour conséquence d’affaiblir les savoirs disciplinaires au profit de « compétences » telles que le « savoir-être au travail » : ainsi le rapport 2012-2013 du Comité de suivi de Licence portant sur l’ensemble des licences préconise par exemple de formaliser comme compétence « préprofessionnelle « de savoir » se situer dans un environnement hiérarchique et professionnel, identifier ses compétences et respecter les procédures, [...] analyser les besoins de l’équipe et des usagers (ou des clients) ».

Alors que l’on tente d’exonérer le patronat en laissant entendre que les universités n’ouvriraient pas suffisamment les jeunes aux « réalités des entreprises », nous rappelons avec force et détermination que le patronat garde une responsabilité totale et entière dans le chômage de masse. Il a tout intérêt à le maintenir à un niveau suffisamment fort pour renforcer l’exploitation : la menace permanente du chômage lui permet de dissuader les tentations revendicatives et de faire admettre au plus grand nombre possible de salariés la nécessité d’accepter des sacrifices (salaires, temps de travail, travail de nuit et du dimanche, réduction ou exonération des cotisations sociales, assouplissement du droit du travail, développement de la précarité, etc.).

C’est pourquoi nous refusons que la responsabilité de l’insertion professionnelle ait été attribuée à l’Université et que, comme le prévoient la loi LRU et l’accession aux RCE, les résultats de l’insertion professionnelle des étudiants soient devenus un critère discriminant pour le calcul des moyens financiers alloués par l’État aux établissements.

Même si l’activité de travail, ses conditions et son environnement constituent des thèmes d’étude qui doivent être pris en compte par les formations, l’adaptation au poste de travail relève de la seule responsabilité des entreprises et des moyens qu’elles mettent à disposition des salariés formés grâce à l’effort collectif de toute la société à travers l’impôt. Seul l’État peut garantir l’indépendance nécessaire à ce secteur particulièrement déterminant pour l’avenir de tous. Cela suppose un Service public national, financé par l’État à hauteur des besoins nécessaires, des diplômes nationaux, des garanties individuelles et collectives pour les usagers et les personnels, ainsi que des règles de fonctionnement préservées des logiques de la concurrence et du profit.

2.4. Un statut de la Fonction publique d’État pour servir le Service public d’ESR

Depuis la Libération, le statut de la Fonction publique reste la réponse à ces préoccupations. Il est fondé sur des valeurs telles que la laïcité, l’égalité d’accès et de traitement, la neutralité et l’indépendance des fonctionnaires, leur protection par l’État, le droit à la carrière, la séparation du grade et de l’emploi, le recrutement par voie de concours, le droit à la mobilité, etc.

Parce qu’ils disposent de toutes ces garanties, les fonctionnaires sont, pour les citoyens, les garants du libre accès aux Services publics et de sa neutralité vis-à-vis des citoyens.

Dans notre secteur, l’État a le monopole de la collation des grades. En d’autres termes, seuls les établissements d’Enseignement supérieur et de Recherche publics peuvent faire subir les examens et épreuves qui permettent de conférer un grade universitaire aux candidats. Ce sont les personnels de ces établissements, fonctionnaires d’État, qui permettent à cette garantie nationale d’égalité de traitement pour tous, de vivre.

Or, les réformes les plus récentes de la Fonction publique (RGPP, loi mobilité, MAP) bouleversent en profondeur ses fondements, ses fonctionnements et ses missions. Si elles devaient être menées à leur terme, ces évolutions condamneraient les statuts et les garanties de ses personnels. Les gouvernements menés pas Nicolas Sarkozy et François Fillon se sont engagés dans la RGPP avec l’objectif avoué de réduire les dépenses publiques, de déléguer les prérogatives historiques de l’État et, au bout du compte, privatiser. La RGPP qui s’appliquait aux trois versants de la Fonction publique s’appuyait sur une réorganisation des services déconcentrés de l’État. Ce qui a abouti, au regard des nouveaux champs redéfinis, à une dilution de l’intervention de l’État.

Dans l’Enseignement supérieur, c’est la loi LRU et l’accession à « l’autonomie » des RCE des établissements qui était le bras armé de la RGPP. La mise en œuvre de la loi LRU a créé les conditions de l’éclatement du Service public d’ESR. Parallèlement, une réorganisation profonde de certains établissements a provoqué leur démantèlement (liquidation de l’INRP – Institut national de la recherche pédagogique –– et rattachement du Musée national de l’éducation de Rouen au CNDP), ou poursuivi le processus de démembrement engagé précédemment par les délocalisations (restructurations du CNDP et du CEREQ).

L’Éducation nationale subit un processus de dislocation de même nature.

Aujourd’hui, la Modernisation de l’Action Publique (MAP), nouvelle dénomination de la RGPP, reprend les mêmes orientations en matière de « réduction des déficits publics ». Au nom d’une supposée nécessaire modernisation, le gouvernement engage l’Acte III de la décentralisation et la « réforme » du statut de la Fonction publique. Le résultat pourrait en être une nouvelle phase de fragilisation du statut altérant un peu plus les droits et garanties contenus dans le statut de fonctionnaire des personnels.

Ainsi, les personnels de l’ESR feraient à nouveau les frais d’une politique délibérée de mise en extinction du statut au profit de filières contractuelles qui mettraient fin aux garanties d’égalité d’accès et de traitement dont bénéficient encore les usagers et citoyens.

2.5. Les enjeux de la Recherche

2.5.1. Restructuration de la Recherche

L’enseignement dispensé par les universités est adossé à la recherche et réciproquement. C’est une formation à la recherche et par la recherche où enseignement et recherche s’enrichissent et se nourrissent mutuellement pour le plus grand bénéfice des étudiants.

C’est une spécificité de notre pays que la recherche publique soit réalisée à la fois dans les universités, par des enseignants-chercheurs et des personnels BIATOSS, et dans des organismes de recherche (Établissements publics à caractère scientifique et technologique ou EPST) comme le CNRS, l’INSERM, l’INRA notamment, par des chercheurs à plein temps et des personnels ITA. La cohabitation et la proximité de ces deux modes d’organisation constituent une richesse qui doit être préservée car elle permet tout à la fois d’installer des programmes de recherche dans le temps et de mettre à disposition des étudiants les avancées de la recherche dans les meilleures conditions possibles de délai.

Or, le processus de rapprochement-fusion des EPST et des universités est désormais une tendance lourde. La loi LRU-Fioraso fait entrer les représentants des organismes de recherche dans les Conseils d’administration des universités. Elle transforme dans le même temps les PRES en Communautés d’universités et d’établissements auxquelles sont associées les délégations régionales des organismes de recherche. Les unités mixtes (UMR) deviennent la norme et les chercheurs sont encouragés à faire de l’enseignement. L’objectif est à terme de transformer les organismes de recherche publics en agences de moyens associées dans les régions aux sites d’ESR territorialisés.

Les EPST, comme les universités, doivent conserver leurs missions et leurs personnels, dans le cadre de la Fonction publique d’État. La réorganisation imposée par les différentes lois (Pacte pour la Recherche, Loi LRU-Pécresse et loi LRU-Fioraso) ne doivent pas remettre en cause les statuts des personnels et leurs missions respectives.

Ce n’est pas l’établissement, la composante universitaire ou la formation qui sont adossés à la recherche. C’est parce que chaque enseignant est aussi un chercheur que l’enseignement est nourri par la recherche. Ainsi, dans le supérieur, à quelque niveau d’enseignement que ce soit, un enseignant a vocation à être enseignant-chercheur.

2.5.2. Recherche et industrie

La Recherche, ou plus exactement les résultats de la Recherche intéressent vivement les entreprises et les pouvoirs politiques qui leur sont dévoués, parce qu’ils peuvent déboucher sur ce qu’il est convenu d’appeler des « innovations » susceptibles de conquérir de nouveaux marchés et de générer de nouveaux profits.

Selon le discours dominant, l’innovation que rendrait possible la Recherche serait la clé de la réindustrialisation de la France et de la création d’emplois.
C’est une évidence qu’une Recherche et un Enseignement supérieur publics de qualité et accessibles au plus grand nombre contribue nécessairement à l’élévation du niveau de connaissance, de qualification, au développement économique et social du pays. Cependant, il est illusoire et dangereux de faire croire que la Recherche pourrait à elle seule résoudre les crises capitalistes. La désindustrialisation de l’Europe et de la France en particulier, combattue par la CGT, est le résultat des privatisations, déréglementations, délocalisations, externalisations, restructurations, fusions-acquisitions, etc., décidées et mises en place par les capitalistes et les gouvernements à leur service. Une industrie peut être à la pointe de la technologie et de la Recherche et Développement (R&D), c’est en dernier ressort le capitalisme financier qui décidera de son sort.

L’ESR public, pas plus que les autres services publics, ne peuvent être tenus pour responsables de la désindustrialisation et, même s’ils y contribuent, ils ne pourront pas plus être responsables de la réindustrialisation. Ce sont les entreprises et leurs dirigeants qui en ont la capacité. Mais, face à l’incurie des « investisseurs », c’est la nationalisation du système bancaire et de secteurs industriels stratégiques qui permettrait de reconquérir la capacité d’un nouveau développement industriel créateur d’emplois.

Dans le contexte actuel, la pénurie budgétaire dans les universités et les organismes de recherche pousse les laboratoires vers la recherche dite « partenariale », c’est-à-dire avec un partenaire privé qui la finance et l’oriente. Parallèlement, les missions de l’ESR public basculent vers une conception utilitariste cherchant à rentabiliser les savoirs : il ne s’agit plus seulement de produire et diffuser des connaissances scientifiques et techniques, mais de les valoriser et, désormais avec la loi LRU-Fioraso, de transférer les résultats de la recherche vers la société, c’est-à dire vers le privé, afin que « l’ESR contribue à la compétitivité de l’économie ».

Au prétexte de mieux former les étudiants en renforçant la capacité de recherche-innovation dans l’ESR, on veut assujettir la recherche universitaire aux entreprises. Parallèlement, le patronat qui souhaite externaliser une partie des risques financiers liés à la recherche vers le Service public d’ESR ferme ses laboratoires (cf. la fermeture de laboratoires par SANOFI par exemple). Mais il espère bien récupérer le plus possible de résultats de la Recherche publique ainsi mise à son service.

La Recherche publique peut et doit contribuer aux progrès économiques et sociaux. Si les débouchés et répercussions éventuels des résultats de la Recherche sont présents à l’esprit des chercheurs, ils ne sont pas les déterminants principaux de leur travail. La Science ne peut ni ne doit devenir purement utilitariste, comme le voudraient les financiers et les actionnaires qu’ils servent. Pour autant qu’elles puissent être fructueuses, les coopérations entre l’ESR et l’industrie doivent être respectueuses de l’indépendance et du rythme spécifique de la Recherche publique. C’est pourquoi nous revendiquons l’indépendance de la Recherche et de l’Enseignement supérieur vis-à-vis des spéculateurs et du patronat, au sein d’un Service public national fort et pérenne.


Référence électronique

"2. L’enseignement supérieur et la recherche en jeu", publié le 2 novembre 2014, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article39, consulté en ligne le 15 mars 2024


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