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juillet 2014

IX • Les débats

Suite à la communication sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche au risque de la décentralisation le débat s’est ouvert bien évidement sur l’appréciation des orientations politiques portées par le gouvernement apparues lors des Assises par la ministre de l’ ESR. D’aucuns souhaitaient moduler le regard plutôt négatif sur les diverses consultations même si Jean-Marc Ayrault a rappelé l’inscription de la future loi (dont nous connaissons aujourd’hui les principes structurants) dans le processus de Bologne et la stratégie 2020, dans la continuité du Pacte de la Recherche et de la loi LRU.

Dès lors, le thème du débat semblait à certains ne pas être en adéquation avec les déclarations et projets connus à ce jour, notamment en terme de décentralisation. Mais pour la plupart des intervenants, si l’ESR ne fait pas encore partie des compétences des Régions (voir les dissensions au sein du gouvernement, au sein des présidents de Région) si les conventions de site ne sont pas encore acceptées par tous (la première, en Aquitaine, date malgré tout de 2006) , la 3e phase de la décentralisation, porteuse de nombreuses inquiétudes, nécessite d’engager dès maintenant la réflexion.

D’ailleurs, l’avant-projet de loi sur la décentralisation se propose de : " Rendre obligatoire l’élaboration de Schémas Régionaux de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (SRESRI) définissant l’ambition et les objectifs du territoire. Ce SRESRI sera élaboré conjointement par l’ensemble des collectivités locales pertinentes - avec la Région comme chef de file - et les établissements et organismes présents sur le territoire. Les représentants de l’État seront porteurs de la déclinaison de la stratégie nationale en région.

Les SRESRI seront conçus dans le respect de la valeur nationale des diplômes et des statuts nationaux des personnels. L’ensemble des forces économiques et sociales seront associées à leur élaboration ".

Manifestement, cette proposition, si elle devait être retenue, renforcerait la spécialisation déjà engagée par les établissements universitaires, en lien avec les pôles de compétitivité, au risque de voir les plus importants (universités parisiennes notamment) siphonner les plus petits, mais aussi contraignant les étudiants les moins aisés à choisir des filières de proximité par défaut.

Cette spécialisation s’accompagne de fusions d’étblissements tant dans les Epst que dans les universités, fusions qui ne sont pas générées par des intérêts scientifiques - voir celles d’Avignon et de Sophia Antipolis, d’Orléans et de Tours pour l’Inra par exemple - mais par des intérêts d’économie d’échelle, des intérêts politiques également, ceux de limiter les interlocuteurs de la Région.

Ces fusions participent d’une ligne politique visant à territorialiser les rapports sociaux, voire à les métropoliser. C’est sans doute un des objectifs du regroupement des trois universités de Marseille qui rassemble 17 000 agents pour 70 000 étudiants.

La régionalisation est également engagée pour ce qui relève de la vie étudiante. En Rhône -Alpes par exemple, cela sera vrai demain pour la plupart des régions, les Crous ne sont plus maîtres d’oeuvre mais deviennent de simples gestionnaires des baux que leur cèdent les bailleurs sociaux. Qui plus est, la Région obère une partie de cette gestion ce qui conduit à une diminution des fonds propres des Crous qui s’ajoute à la diminution des subventions d’État : diminution de la masse salariale et donc de l’emploi, augmentation des loyers... et à terme disparition de la mission sociale des Crous.
Le logement étudiant est aujourd’hui un véritable marché, les Foyers de jeunes travailleurs, eux-mêmes concurrencés par des organismes privés, s’engagent sur ce terrain en construisant des résidences réservées aux jeunes chercheurs et doctorants par exemple au détriment du public initial dont 24 % vit sous le seuil de pauvreté.

Le rôle des collectivités territoriales, qui devrait être affirmé dans la future loi " la stratégie nationale de recherche, élaborée tous les cinq ans sous la coordination du ministre chargé de la Recherche, et dont les priorités sont arrêtées après une concertation qui implique aussi, désormais, les collectivités territoriales", est perçu comme un des axes principaux pour marchandiser l’enseignement supérieur, soumettre les politiques de l’ESR aux intérêts patronaux et casser les garanties nationales à travers le démantèlement des Epst, la fusion des universités, la volonté de contraindre les chercheurs à participer à des missions d’enseignement.

Pourtant on ne peut esquiver la question des rapports de l’ESR au monde économique tant au regard de sa finalité première souvent occultée, la formation des jeunes dans un contexte d’échec en licence important alors que le chômage augmente, que dans son rapport au développement économique.

Car si la recherche contribue à l’économie par la diffusion et la valorisation des résultats, y compris demain par " le transfert des résultats obtenus vers le monde socio-économique ", celle -ci ne peut avoir pour seul objectif que la réponse aux besoins immédiats des entreprises. Reste que l’impact de la recherche sur la prospérité économique est indirecte dès lors que de nombreux brevets sont déposés hors du territoire national.

La future loi devrait pour partie remédier à cet état de fait : " les agents de l’État et des personnes publiques investies d’une mission de recherche " sont tenus de déclarer leur invention à leur employeur ne se limitent plus à celles qui proviennent d’une recherche financée par l’ANR, mais s’étendent à toutes les inventions issues " de recherches financées par dotations de l’État et des collectivités territoriales ou par subvention d’agences de financement nationales ". Lorsqu’elles font l’objet d’un dépôt pour acquérir un titre de propriété intellectuelle, il est prévu que ces inventions soient valorisées " prioritairement " à des PME.


Publié dans Le Lien n° 174 de mars 2013.
Le Lien est une publication trimestrielle de la FERC CGT.

En juin 2013, le Collectif confédéral CGT Recherche, auquel participe la CGT FERC Sup publie un document sur les liens entre la Recherche et le "monde économique".


Référence électronique

"IX • Les débats", publié le 31 juillet 2014, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article29, consulté en ligne le 15 mars 2024


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