Revue syndicale à caractère scientifique et culturel de la CGT FERC Sup

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juillet 2017

2.2 La bataille du temps

2.2.1 Le temps de travail, le temps du travail, le temps au travail

Quinze ans après l’adoption de la loi sur l’annualisation du temps de travail qui, en contrepartie, fixait la durée légale du travail en France à 35h hebdomadaires, la CGT, seule, porte aujourd’hui le débat sur les 32h hebdomadaires.

Le temps de travail est une notion étroitement liée à l’organisation du travail.

Ce temps recoupe des réalités très différentes selon les époques et les métiers.

Depuis la révolution industrielle, la notion de temps de travail est associée à la productivité, les travailleurs et les travailleuses étant assimilés à des machines dont le temps de travail est le temps durant lequel ils produisent effectivement quelque chose. Le « management » s’efforce en permanence d’augmenter au maximum ce temps « réellement productif », depuis le taylorisme, puis le fordisme, le toyotisme et aujourd’hui le lean management, aboutissement actuel d’une conception mécaniste de l’individu au travail.

Or, notre temps de travail, c’est le temps que nous passons sur notre lieu de travail pour être en capacité de réaliser notre travail.

L’organisation et les luttes des travailleurs ont permis d’inclure des espaces de temps « non-productifs », vestiaire, douche, pause..., mais également formation, discussion, information, culture... Cette dimension d’un temps au travail qui permette à chacun de se construire est bien entendu occultée par nos employeurs, mais elle est trop souvent oubliée ou négligée par nos collègues, voire... par notre propre organisation syndicale !

Dans le même temps, le temps partiel imposé se développe et touche d’abord les plus précaires : seuls 65 % des agents non-titulaires (ANT) sont actifs à temps plein. S’y ajoutent parfois d’autres formes de temps contraint, comme les délais de carences entre deux contrats ou les vacations payées à l’année.

Reprendre la main sur notre temps au travail, dans un contexte politique réactionnaire qui vise à l’augmenter (rapport Laurent en mai 2016 pour la Fonction publique) peut être une des conditions pour renouer avec un syndicalisme de conquêtes.

2.2.2 Pour les personnels BIATSS

Les 45 jours de congés et les accords ARTT des années 2000 sont remis en question dans nos établissements, mais aussi dans toute la Fonction publique.

Les accords ARTT étaient pourtant déjà très contestables car ils impliquaient la réduction des temps de respiration dans le travail (pause méridienne, annualisation…) afin d’augmenter la productivité.

Aujourd’hui, les restructurations (ComUE, fusions…) sont l’occasion d’une révision en profondeur, à la fois de la durée du travail, de son organisation et de son contrôle, dans le contexte plus général du rapport Laurent. Ce rapport vise à augmenter le temps de travail des agents publics et les remises en cause qu’il propose prennent des formes variables : suppression de jours de congés, extension des horaires, suppressions de « tolérances » (départ anticipé les veilles de fêtes ou de congés ou « journée du président » par exemple), fermetures complètes d’établissement qui imposent des semaines de congés.

L’objectif est clair : contraindre tous les agents à passer aux 1607 heures réellement faites, à tout prix. Cela peut passer par le déploiement de surveilleuses (des pointeuses sans la souplesse de l’horaire) ou l’utilisation de logiciels de gestion du temps de travail qui imposent des règles en dehors de la réglementation, comme par exemple le calcul du nombre de congés selon le nombre de jours ouvrés. Nous ne devons pas rentrer dans ces arguties mais défendre nos acquis en s’appuyant notamment sur le cadre réglementaire, en particulier la circulaire 2002-007 du 21 janvier 2002 qui pose : « Les congés annuels sont établis (...) sur la base de 9 semaines ou 45 jours ouvrés pour un agent à temps complet ».

Pour la CGT FERC Sup, en lien avec la revendication confédérale des 32 heures hebdomadaires, il faut retrouver le sens de l’histoire du progrès social en baissant le temps consacré au travail, et permettre aux travailleuses et travailleurs de l’ESR, au cœur de leur travail, de le penser et de participer activement à son organisation, pour un service public de qualité.

Le temps consacré au travail doit également ouvrir l’accès à la culture et au sport sur le lieu et le temps de travail, par l’intermédiaire d’une action sociale dotée de moyens décents. Et, tout en développant les possibilités d’adapter son horaire, le collectif de travail doit redevenir un élément important dans l’organisation du travail.

À l’heure de l’arrivée du télétravail dans la Fonction publique (décret de janvier 2016), cette disposition ne doit pas être utilisée par notre employeur pour imposer des mobilités, conséquences des restructurations. Il doit être au contraire un élément nouveau aux mains des agents pour mieux construire leur travail sans briser les espaces collectifs.

Pour la CGT FERC Sup, il faut permettre la souplesse dans le choix par la travailleuse/le travailleur de ses moments de travail (horaires, congés) afin que le calendrier ne soit pas piloté par les seuls « pic d’activités », conséquences de l’absence récurrente de recrutements.

Certaines activités nécessitent une continuité de service, à l’exemple de certaines missions au sein des directions du système d’information ou encore les laboratoires d’animalerie dans le secteur de santé. Afin de préserver les droits des travailleuses et travailleurs concernés, la CGT FERC Sup doit exiger du ministère de la Fonction publique et de notre ministère la définition des modalités de travail pour ces missions spécifiques et négocier des contreparties aux sujétions supplémentaires. Les comités techniques d’établissements devront ensuite être consultés lors de la mise en œuvre.

L’extension des horaires d’ouverture dans les bibliothèques, comme le travail de nuit ou du dimanche dans le commerce, risque fort d’entraîner une déréglementation des horaires dans toutes sortes de professions derrière elle, par la création de nouveaux besoins pour les agents et les salariés concernés (transports, crèches,...). Ce sujet peut faire l’objet d’un débat dans le cadre des structures interprofessionnelles de la CGT.

2.2.3 Pour les personnels enseignants et enseignants-chercheurs

Après deux révisions statutaires en moins de dix ans et une pression incessante sur « l’évaluation des enseignants-chercheurs », dans un contexte de réduction et de précarisation des postes supports (enseignement et recherche) et avec la multiplication des financements sur appels à projet, la part des tâches administratives, de saisie informatique, de réponse à des appels à projet, atteint des niveaux incompatibles avec l’exercice serein de son métier d’enseignante ou d’enseignant, et de chercheuse ou de chercheur…

Les référentiels des tâches se précisent mais, outre que la reconnaissance est en deçà du travail réel, l’enjeu est avant tout sur les moyens donnés aux fonctions supports, en postes de titulaires et en matériel, ainsi que sur la prise en compte du travail réel que les logiciels divers qu’on nous impose n’appréhendent que partiellement, voire pas du tout.

S’agissant de nos jeunes collègues entrant dans la carrière après un parcours du combattant de plusieurs années de post-doc ici et là, les premières années d’enseignement sont très difficiles, préparer les cours, les corrections, tout en suivant ses travaux de recherche pour ne pas décrocher des débats internationaux. La CGT FERC Sup revendique une diminution du service d’enseignement les deux premières années à 96h annuelles pour les enseignantes-chercheuses et les enseignants-chercheurs. Pour les collègues plus expérimentés, l’accès aux congés pour recherche et conversion thématique (CRCT) doit être un droit, sur une base régulière (un CRCT tous les cinq ans).

Enfin, il est impératif de diminuer le service d’enseignement de 192h à 150h annuelles pour toutes les enseignantes-chercheuses et tous les enseignants-chercheurs, et de 384h à 300h pour les enseignantes et les enseignants, afin de permettre une activité de recherche efficace tout en dispensant un enseignement de haut niveau à la hauteur des missions de service public de l’ESR.

Dans cet esprit, il est urgent de diminuer drastiquement les heures complémentaires et de créer les postes de titulaires dont nos établissements ont besoin. Cela passe bien entendu par une revalorisation importante des traitements et des carrières afin que les heures complémentaires cessent d’être un complément de revenus quasi-obligatoire. Dans les situations où les heures complémentaires sont indispensables (terminer un module, remplacement de collègues), ces heures seront récupérées ou payées à + 25 % pour les 15 premières et à + 50 % pour les 15 suivantes dans la limite stricte d’un seuil maximum fixé à 30h équivalent TD par an.

Ces deux mesures permettront de créer près de 15 000 postes d’enseignantes-chercheuses et d’enseignants-chercheurs titulaires (+ 12 200 postes pour la baisse de l’obligation de service, + 2 500 postes pour la limitation des heures complémentaires).

Ce ne sont que les première étapes qui permettront de mener et de gagner la bataille du temps pour les enseignantes-chercheuses et les enseignants-chercheurs.

La CGT FERC Sup s’oppose à l’annualisation subie, imposée par les directions, avec l’allongement des semaines de travail sans récupération immédiate.


La CGT FERC Sup revendique

  • Pas moins de 45 jours de congés annuels pour les personnels BIATSS.
  • La possibilité pour chaque personnel BIATSS d’accéder à des journées d’ARTT supplémentaires s’il le souhaite.
  • Le respect des temps d’habillement, de douche, de pause... Ces temps contraints sont et doivent rester du temps de travail payé.
  • L’ouverture de négociations pour une nouvelle organisation du travail conduisant aux 32h hebdomadaires, sans perte de salaire, ni droit à congés, conduites au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche d’abord, puis au niveau des établissements.
  • Le passage à 150h TD par an pour les enseignantes-chercheuses et les enseignants-chercheurs et à 300h TD pour les enseignantes et les enseignants, avec un maximum hebdomadaire de 15h.
  • La comptabilisation des heures de TP, comme des heures de TD, pour tous les personnels (doctorants, ATER, vacataires compris).
  • Les procédures d’attribution des services d’enseignement doivent être transparentes et équitables ; les enseignant·e·s doivent être en mesure de refuser les heures complémentaires.
  • Refus de la mise en œuvre de la modulation des services d’enseignements, des plans pluriannuels de services, et de toute tentative de contrôle hiérarchique des enseignant·e·s et enseignant·e·s chercheur·se·s remettant en cause leurs libertés académiques, quel que soit leur statut.

Référence électronique

"2.2 La bataille du temps", publié le 23 juillet 2017, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article88, consulté en ligne le 15 mars 2024


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