Revue syndicale à caractère scientifique et culturel de la CGT FERC Sup

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juillet 2017

2.1 Dignité et émancipation au travail

2.1.1 Retrouver du sens au travail, renouer avec les valeurs de la Fonction publique

Pour nombre d’entre nous, la frustration de ne pouvoir réaliser notre travail, le sentiment de ne pouvoir réaliser correctement notre travail et d’avoir les moyens d’assurer les missions de service public qui nous sont confiées est grandissante. L’appauvrissement des contenus et la perte de sens de notre travail, la mise en concurrence avec le privé (externalisations, privatisation rampante, sous-traitance…), l’introduction de techniques managériales brutales issues des grands groupes du privé, les suppressions de postes et le nombre croissant de collègues précaires qui ne passent que quelques mois dans l’établissement, sont parties intégrantes du mal-être au travail, de cette souffrance au travail dont on parle tant et que l’administration minimise, en individualisant les situations de travail, sous l’appellation générique de Risques psycho-sociaux (RPS).

La généralisation des outils numériques, sous l’égide des directions et au service de politiques toujours défavorables aux agents, participe de cette désorganisation du travail. L’instantanéité des échanges conduit à une généralisation de « l’urgence permanente ». Parce qu’une demande a été faite par email plutôt que lors d’une réunion de service, il semble évident qu’elle doit être exécutée en priorité. La multiplication des interfaces de « gestion des tâches », de « distributeurs de tickets » favorise la structuration du travail « à l’acte » ou « à la tâche ». À l’inverse, l’interaction directe entre travailleurs diminue, les moments d’échanges collectifs sur le quotidien s’estompent au profit de la réunionite...

Dans l’évolution de carrière, l’importance croissante accordée aux fonctions d’encadrement, toutes catégories confondues, au détriment de la reconnaissance des métiers et des qualifications, conduit au développement de pathologies (épuisement au travail, dépression…) qui ont pour origine des causes socio-organisationnelles, (augmentation des mobilités, polyvalence, pressions…). Dans le même temps, les collectifs de travail sont démembrés, l’urgence permanente, l’« excellence » sont élevées au rang de paradigme organisationnel. La parole des travailleuses et des travailleurs s’éteint avec la disparition des espaces et des moments collectifs au travail. Cette désorganisation généralisée et systématique du travail conduit, pour ce qui est des agents de statut ITRF, nos employeurs à basculer les collègues d’une Branche d’Activité Professionnelle (BAP) à l’autre, sans leur demander leur avis, sans réfléchir à leurs qualifications, leurs expériences professionnelles et leurs perspectives de carrière.

2.1.2 Travail-Santé 

L’arrivée des Comités Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT) s’est parfois accompagnée de nouveaux moyens matériels et humains, mais cela n’a globalement pas permis d’établir le rapport de force permettant de tordre le cou aux pratiques de nos employeurs, alors que les bâtiments de nos établissements et les outils de travail vieillissent dangereusement, que les violences physiques et psychiques se multiplient.

Faute de moyens et de volonté politique, la situation de la médecine de prévention, déjà pitoyable, atteint un niveau de délabrement catastrophique. Les visites médicales obligatoires et réglementaires, déjà mal assurées, disparaissent, comme les visites de reprise. Médecins et infirmières sont en surcharge de travail. L’obligation d’organiser les services de santé au travail incombe à l’employeur. Nous devons créer les conditions pour que cette obligation soit effective.

S’agissant des moyens, jusqu’à la publication du décret n° 2016-1403 du 18 octobre 2016 par le ministère de la Fonction publique, les directions d’établissement ont nié purement et simplement le droit aux mandatés CGT d’être formés par leur organisation syndicale. Les mandatés CHSCT des syndicats de l’Union doivent exiger et obtenir d’être formés par la CGT et en particulier par les formateurs de l’Observatoire fédéral des conditions de travail (FERC OFCT) avec lesquels une formation a été spécialement conçue. De plus, au printemps 2016, malgré l’opposition unanime des organisations syndicales, le ministère de l’ESR, refusant de voir la réalité et la variété des risques auxquels sont exposés les travailleuses et les travailleurs, a décidé de s’exonérer de la possibilité de majorer le contingent annuel d’autorisations d’absence prévue par l’article 75-1 du décret du 28 mai 1982 modifié lorsque des critères géographiques et des risques professionnels particuliers le justifient.

Mais, en posant une démarche syndicale collective, nous pouvons avancer. Le CHSCT reste trop souvent perçu comme une instance représentative des personnels (IRP) constituée d’experts. La dimension politique de ce mandat échappe encore trop souvent à notre syndicalisme.

Sans désespérer (plusieurs décennies ont été nécessaires à nos camarades du privé pour bousculer l’employeur via les CHSCT), comment continuer d’avancer sur ces questions clés ? Cela passe par la formation syndicale à ce mandat via la FERC CGT, et par le contact avec nos unions locales et unions départementales CGT.

Cela doit nous permettre de rappeler à nos employeurs :

  • Leur obligation de garantir la santé et la sécurité des travailleurs dans tous les aspects liés au travail (physique et mental).
  • Leur obligation d’adapter le poste de travail à l’agent, et non l’inverse !
  • Leur obligation de former les travailleuses et les travailleurs au poste et de les informer, y compris via le CHSCT.
  • Leur obligation d’entretenir des locaux sains, tempérés, non pollués, non amiantés.

En constatant chaque atteinte à la santé, en s’appuyant sur le CHSCT, en rédigeant et adoptant méthodiquement avis et projets, nous arriverons ainsi à constituer les bases d’une démarche juridique quand un de nos employeurs aura failli à ses obligations.

Aujourd’hui, plusieurs décrets d’application de la loi El Khomri ont été publiés. En ce qui concerne la médecine du travail, la visite d’embauche faite par le médecin du travail (salarié protégé) est remplacée par une « visite d’information et de prévention » faite certes « sous l’autorité du médecin du travail », mais par « un collaborateur du médecin » (infirmière, interne... qui ne sont pas des salariés protégés), ce qui a son importance en terme d’indépendance de la médecine du travail. La surveillance périodique passe de 2 ans à 5 ans (avec interrogatoire infirmier et non plus visite médicale), et dernier exemple, la contestation de l’avis médical (en majorité, adaptation de poste) ne sera plus du ressort de l’inspecteur du travail. C’est pourquoi nous continuons à revendiquer son abrogation et à en combattre les applications précises.

2.1.3 Émancipation

La misère n’est pas que financière. Elle est aussi dans l’isolement et la perte des repères collectifs. En conséquence, la connaissance, l’attachement aux statuts et aux missions de service public s’estompent, ce qui arrange l’employeur public qui n’a de cesse de chercher à remettre en cause ces missions assurées par des fonctionnaires d’État.

C’est un rôle primordial de notre syndicat de combattre, notamment par la formation syndicale, ce délitement des valeurs de la Fonction publique et des garanties apportées par ses statuts.

Le temps consacré au travail ne doit pas être un temps perdu pour la travailleuse et le travailleur. Par la discussion au sein du collectif de travail, par l’accès à la formation professionnelle, par l’accès à la culture sur le lieu et le temps de travail, le travailleur de l’ESR doit construire sa propre émancipation.

La CGT FERC Sup travaille et lutte :

  • Pour qu’aucune atteinte à la santé ou à la sécurité des travailleur.ses ne reste ignorée et donc impunie.
  • Pour la formation des syndiqué.es et des travailleur.ses sur leurs droits et sur les responsabilités civiles et pénales de l’employeur.
  • Pour construire le collectif syndical et le collectif des travailleur.ses conscient.es de leurs droits, de leurs recours, et des avancées à conquérir par l’action collective.

La santé au travail ne se négocie pas !


La CGT FERC Sup revendique

  • Des services de médecine du travail (indûment appelés « médecine de prévention ») dans chaque établissement avec les moyens nécessaires (médecins, personnels infirmiers, administratifs, budgets, bâtiments) pour garantir une visite médicale annuelle pour tous les travailleurs sans préjudice des autres obligations du service (visite, adaptation des postes …).
  • Garantir l’indépendance du médecin du travail.
  • Des moyens pour permettre aux CHSCT de fonctionner au sein d’établissements qui réunissent la totalité des risques identifiés, plus des risques nouveaux : temps spécifiques, local CHSCT équipé, moyens d’information… Pour les établissement fusionnés, mise en place de CHSCT spéciaux de plein exercice (par sites).
  • Une formation réglementaire obligatoire dans le mandat d’au moins cinq jours assurée par l’organisation syndicale des mandaté.es.
  • Face à la désorganisation généralisée et systématique du travail, il est primordial de lui redonner un sens, par la reconnaissance des métiers et des qualifications des travailleurs et travailleuses et par l’obligation de faire évoluer leurs carrières. Les missions du service public doivent être en accord avec les besoins et non avec les budgets.

Référence électronique

"2.1 Dignité et émancipation au travail", publié le 23 juillet 2017, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article87, consulté en ligne le 15 mars 2024


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