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juin 2016

Les étudiants

1. Déstructuration de la formation continue

En ce qui concerne la situation des étudiants, nous avons pointé des objectifs positifs, sans que les moyens pour les atteindre ne soient établis. Mais cela ne doit pas faire oublier plusieurs points tout à fait problématiques. Le travail des étudiants est considéré comme une modalité normale de financement des études. Les travailleurs sont donc désignés comme des « étudiants à besoins spécifiques » au même titre que… les sportifs et les artistes ! (Prop. 14 p. 88). L’Enseignement supérieur et la Recherche devront donc s’adapter aux rythmes de chaque type d’étudiant (étudiant "normal", en alternance, qui travaille, en formation continue, sportif, artiste, etc.). La Prop. 19 p. 104 (« Favoriser l’agilité, l’innovation pédagogique et la « culture du Oui », sic !) préconise la création de diplômes à la carte et la Prop 20 d’autoriser les rentrées décalées. On laisse le lecteur imaginer les conséquences pratiques de telles propositions en termes de gestion du calendrier, des salles, des cours, etc.

2. Logement étudiant ?

De même, en ce qui concerne le logement étudiant, la Proposition 25 (p. 117) veut surtout développer la garantie locative pour le parc de logement privé et adapter les formes de logements aux nouveaux usages (cela signifie-t-il d’encourager la cohabitation sénior / étudiant ?)...
En tout état de cause, le développement des CROUS tant vanté par le rapport ne signifie pas forcément l’intégration des personnels CROUS au sein de la Fonction publique d’État, que réclame l’UN CGT CROUS.

3. Sélection des étudiants : non, mais...

La sélection que le rapport prétend évacuer par la porte rentre par la fenêtre : il s’agit notamment de sélectionner les étudiants dès l’entrée en M1, et de ne plus garantir une entrée automatique à l’université pour les titulaires d’un baccalauréat, notamment du bac pro, cf. Prop. 13 p. 86-87. Pour « garantir un droit effectif d’accès avec des chances réelles de réussite dans une formation supérieure adaptée » (qui n’est pas le droit à l’accès au Supérieur pour tous les titulaires du bac, premier grade universitaire), le rapport préconise : « Inscrire le droit d’accès à l’enseignement supérieur dans le cadre d’un processus d’orientation et d’examen des capacités de réussite des bacheliers dans chacune des filières souhaitées. Permettre l’accès de droit aux Licences générales aux bacheliers titulaires d’un baccalauréat général. Dans les autres cas, un examen du dossier des bacheliers permettra d’apprécier leurs points forts et les compétences acquises et débouchera sur un avis favorable, réservé ou défavorable. Dans tous les cas, une place dans une des filières publiques de l’enseignement supérieur sera proposée à l’issue d’un conseil d’orientation post-secondaire, en proposant si nécessaire le passage par une passerelle et/ou un parcours adapté ».
La CGT FERC Sup défend le baccalauréat, en tant que diplôme national et premier grade universitaire. Il garantit l’accès au Supérieur. La CGT FERC Sup s’oppose à toute sélection en Licence et en M1.

Parallèlement, dans l’axe 3, au prétexte de concevoir une offre de formation supérieure valorisant les compétences des bacheliers professionnels, contrairement au principe du « lien formation-recherche » qu’ils affirmaient dans leur avant-propos, les auteurs proposent de créer des formations supérieures courtes et professionnelles, adaptées aux compétences de ces bacheliers. Prolongeant ainsi dans le supérieur la perte de substance des formations « professionnalisées » que nous dénoncions précédemment. Ainsi, soit le « lien formation-recherche » n’est pertinent que pour les formations supérieures s’adressant aux bacheliers généraux mais cela ne concerne alors qu’un segment de l’enseignement supérieur ; soit le « lien formation-recherche » caractérise toute formation supérieure véritable et alors les bacheliers professionnels sont invités par la StraNES à prolonger leurs études secondaires plus qu’à préparer un diplôme du supérieur.
La CGT FERC Sup demande la remise en cause de la réforme du BEP ayant cassé celui-ci et supprimé une année d’étude aux bacs pros.

L’égalité est de manière symptomatique remplacée par l’« équité » (p. 75). On parle d’ailleurs à ce propos de « régulation des flux » (p. 82), étrange manière de parler des étudiants. C’est le vrai visage de l’« orientation active » : un tri sélectif !

4. Mobilité internationale

La question de la mobilité internationale des étudiants (et des enseignants) est posée de manière elle-aussi problématique. Elle implique de développer les « cursus en langue anglaise » (p. 61). Derrière l’international, c’est en fait l’uniformisation anglo-saxonne qui est en embuscade. La mobilité internationale n’est pas du tout réfléchie en cohérence avec les projets de formation des étudiants, la seule finalité que l’on trouve derrière, c’est encore et toujours l’adaptation au marché du travail.

5. Droits d’inscription : non, mais…

Il est important de noter que le rapport StraNES se prononce contre l’élévation des droits d’inscription, ce qu’on ne peut que saluer. Le rapport se base presque exclusivement sur des arguments économiques (pp. 154-158) : il argue notamment du fait que l’augmentation des droits d’inscription ne serait pas rentable pour l’État lui-même, s’appuyant notamment sur le contre-exemple des pays anglo-saxons, dans lesquels c’est l’État qui, en dernière instance, se retrouve garant du défaut de paiement des étudiants surendettés. En outre, une élévation des droits d’inscription risquerait fort de s’accompagner d’un désengagement des financements publics, ce qui reviendrait à plomber l’Enseignement supérieur. La question est reportée aux chantiers à venir de l’impôt (la demi-part fiscale) et des aides aux étudiants, ce qui peut apparaître très inquiétant.

La question de savoir s’il est juste ou non que des banques et leurs actionnaires puissent tirer de juteux profits de ce nouveau marché de l’Enseignement supérieur dont le financement serait en partie privatisé, n’est pas évoquée. Le fait que les classes populaires, en cas d’augmentation des frais d’inscription, soient amenées à limiter encore plus leur accès aux études supérieures n’est pas mentionné non plus : l’exemple de la Grande Bretagne est clair, l’augmentation des frais a entraîné immédiatement une baisse du nombre d’étudiants. Il est significatif que dans la Prop. 11 (diminuer l’écart social de « diplomation » ) la question du coût des études n’est pas même abordée.


Référence électronique

"Les étudiants", publié le 16 juin 2016, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article69, consulté en ligne le 15 mars 2024


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