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novembre 2014

1.4. Budget, coûts et financement

Pour comprendre

Dans le contexte de l’autonomie, la question du financement est le nerf de la guerre : c’est par l’assèchement des crédits que l’État organise la mutation du système de l’ESR, en mettant les universités en situation de prendre elles-mêmes les décisions dramatiques que la situation organisée de pénurie exige.

De manière générale, les moyens financiers investis en France, qu’ils soient publics ou privés, pour ses étudiants du supérieur sont 2,5 fois plus faibles qu’aux États-Unis. La dépense en R&D des entreprises reste trop faible, en dessous de la moyenne de l’OCDE (la Dépense Intérieure en Recherche et Développement (DIRD) rapportée au PIB y était de 2 % en 2008, contre 2,3 % en moyenne dans l’OCDE. La France est très en deçà de pays comme le Japon (3,4 %), ou les États-Unis (2,8 %) et l’Allemagne (2,6 %)). Non seulement la France n’investit pas assez dans son système d’enseignement supérieur et de recherche, mais la tendance est plutôt celle d’un désinvestissement programmé de l’État et le report de la dépense sur les collectivités territoriales et les partenariats espérés avec le privé.

On l’aura notamment vu en cette rentrée 2013 où la présidente de l’université Montpellier 3 a annoncé la décision du conseil d’administration, c’est-à-dire d’elle-même, de fermer le site de Béziers qui accueillait près de 750 étudiants. Dans un courrier (17 septembre 2013) très largement diffusé, elle reprend les arguments habituellement mis en avant par le patronat pour justifier leurs décisions : « Sous prétexte « d’autonomie » des universités, l’État a transféré la charge des salaires des fonctionnaires aux universités sans leur transférer les crédits pour les payer. En 3 ans, l’université constate ainsi que ce sont près de 7 millions d’euros de charges supplémentaires non compensées par l’État qu’elle a dû prélever sur ses réserves. L’évolution du SMIC et des charges sociales, la défiscalisation des heures supplémentaires, la licence à 1500 heures… Toutes ces mesures décidées par l’État ont été payées par les universités ; sans parler du GVT (Glissement Vieillesse et Technicité) qui en deux ans a coûté près d’1,5M€ à l’Université ».

Mais dénoncer la politique de l’État ne peut exonérer les présidents d’universités de leurs décisions. On doit se souvenir que c’est la CPU, réunie en colloque annuel début 2007 à Metz, juste avant les élections qui ont porté Nicolas Sarkozy au pouvoir, qui a préparé les bases de la loi LRU votée en juillet 2007 accordant « l’autonomie » aux universités et conférant aux présidents un pouvoir sans limites.

1.4.1. Le budget global de l’éducation : le recul historique de la part de l’État

Le compte économique de l’éducation retient, outre les activités d’enseignement sous toutes leurs formes (scolaires de tous niveaux ou extrascolaires), des activités annexes permettant l’organisation du système éducatif (administration générale et recherche sur l’éducation) ou accompagnant et facilitant sa fréquentation (restauration et hébergement, orientation et médecine scolaires). S’ajoutent également des achats de biens et services liés à l’éducation (transports scolaires, manuels scolaires, fournitures et habillement demandés par les institutions scolaires, cours particuliers). L’effort de la collectivité nationale pour les activités d’éducation a été estimé, en 2010, à 134,8 milliards d’euros (données provisoires). Il représente 7,0 % du PIB. Les seules activités d’enseignement représentent 112,1 milliards d’euros, soit 83,1 % de la dépense intérieure d’éducation (DIE).

Les dépenses d’hébergement et de restauration en représentent 8,0 %.

Les 8,9 % restants financent les autres activités : administration, orientation, médecine scolaire, transports scolaires, achat de fournitures, manuels scolaires, habillement et leçons particulières.

  • La dépense d’enseignement du premier degré représente 27,0 % (30,2 milliards d’euros) du total de la dépense d’enseignement,
  • celle du second degré 41,2 % (46,2 milliards d’euros),
  • celle du supérieur 21,2 % (23,8 milliards d’euros) et
  • celle de la formation continue et des autres activités extrascolaires 10,6 % (11,9 milliards d’euros).

La dépense intérieure d’éducation est assurée par l’État pour 56,8 % du financement final total, les collectivités territoriales 25,0 %, les ménages 11,1 %, les entreprises 6,5 % (essentiellement par le biais de la taxe d’apprentissage et de leurs dépenses de formation continue) et les autres administrations publiques 0,6 %.

Il est à noter qu’en termes de financement initial (avant transfert des bourses vers les ménages et de diverses subventions vers les collectivités territoriales), la part de l’État reste encore plus importante, s’élevant à 58,8 %. En revanche, celles des collectivités territoriales (24,6 %) et surtout des ménages (7,9 %) sont plus faibles.

Les caisses d’allocations familiales (CAF) contribuent en tant que financeur initial, à hauteur de 1,1 %, au financement de la DIE avec le versement aux ménages de l’allocation de rentrée scolaire.

La structure du financement de la DIE s’est modifiée. La part de l’État (MEN-MESR, plus autres ministères) baisse de près de 11 points, de 67,4 % en 1980 à 56,8 % en 2010. A contrario, celle des collectivités locales croît de plus de 11 points (13,9 % en 1980, 25,0 % en 2010), les lois de décentralisation ayant transféré aux collectivités locales de nombreuses compétences dans différents domaines : transport scolaire, fonctionnement et équipement des établissements du second degré, apprentissage et formation professionnelle et, plus récemment, formations sociales et de santé, et gestion des ex-personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) du second degré.

Structure de la DIE par niveau d’enseignement :

  • dans un premier temps, la part consacrée à l’enseignement du premier degré décroît pour atteindre 26,4 % en 1992 (contre 28,9 % en 1980). Puis, elle augmente à nouveau pour atteindre 28,6 % en 2010, accompagnant une légère remontée des effectifs du préélémentaire puis de l’élémentaire,
  • à l’inverse, la part du second degré, quasiment stable autour de 45 % de 1980 à 1998, a tendance à baisser depuis pour atteindre 42,3 % en 2010,
  • la part consacrée à l’enseignement supérieur croît de façon continue sur la période (+ 5,6 points : de 14,6 % de la DIE en 1980 à 20,2 % en 2010) mais, parallèlement, les effectifs d’étudiants ont quasiment doublé.

1.4.2. Niveau de l’investissement sur la jeunesse

En 2010, la dépense moyenne par élève ou étudiant, tous niveaux confondus, est de 8 150 euros. Elle varie quasiment du simple au double entre un

  • élève du premier degré : 5 730 euros
  • élève du second degré : 9 670 euros
  • étudiant (moyenne) : 11 630 euros

En ce qui concerne les étudiants, la France se situe dans une position relativement médiocre au sein de l’OCDE et de l’UE-19. Les États-Unis dépensent, quant à eux, chaque année, 22.000 euros par étudiant soit plus de deux fois plus que dans l’Union européenne. Or la dépense en France est en baisse en 2011, et, de plus, dans le cas du système français, il faut mettre en évidence la disparité entre les moyens mis à disposition d’un étudiant dans le système des grandes écoles et ceux dont bénéficient les étudiants dans les universités. En 2010, l’élève de classes préparatoires (CPGE) coûte 15.080 euros et l’étudiant d’université 10 700 euros.

1.4.3. Budgets : les promesses de 2013 ne compensent pas le déficit structurel

Depuis la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) achevée au 1er janvier 2006, les budgets des deux ministères, MEN (éducation nationale) et MESR (Enseignement supérieur et Recherche), sont présentés dans deux « missions interministérielles » : « Enseignement scolaire (MIES) » et « Recherche et enseignement supérieur (MIRES) ». Les crédits votés pour 2012 au titre de ces deux missions s’élèvent à 87,6 milliards d’euros de dépenses (26 milliards pour la Mires), soit 29,7 % du budget de l’État et 4,3 % du PIB. Entre 2011 et 2012, les crédits de la Mies et de la Mires augmentent respectivement de 0,8 % et 0,3 %, portant leur progression globale à 0,7 %.

Au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), qui comprend les organismes de recherche et les écoles supérieures relevant des autres ministères, par exemple l’enseignement supérieur et la recherche agricole, il y a plus particulièrement le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » dont le budget s’élève à 12,5 milliards d’euros pour 2012 (en progression de 1,2 % par rapport à 2011) et le programme 231 « Vie étudiante » à 2,2 milliards d’euros (en recul de 0,4 %). Le 17 décembre 2012, le ministère a présenté avec une grande satisfaction devant le CNESER un budget pour 2013 présentant une légère hausse : 2 % pour le budget global du MESR, « quand l’agriculture baisse de 10 % ou la culture de 3 %. On augmente plus que le MEN ! ».

L’augmentation est ainsi répartie : 2,33 Mds (au lieu de 2,17 en 2012) sur le programme 231 (vie étudiante : 20 millions de plus pour le logement, 140 millions pour les bourses sur critères sociaux), 12,76 Mds pour le programme 150 (+2%), et à la recherche publique (7,86 Mds, +1,2%). Le ministère affiche sa décision de faire des économies sur plusieurs lignes emblématiques du précédent gouvernement : dans le programme recherche on déplace des crédits de l’ANR vers les moyens récurrents (à hauteur d’une 60aine de millions : il faut néanmoins rappeler qu’en 2011 l’ANR a distribué 550 millions sur son financement annuel), dans le programme 150 on annonce des coupures sur l’AERES et l’IUF... mais aussi le CNU !

La grande affaire, pour 2013, c’était bien sûr les emplois promis par le président de la République durant la campagne : « Il n’y a pas eu de telles créations d’emploi dans notre secteur depuis 2006 ». 5000 emplois sur la mandature présidentielle, dont 1000 en 2013 avec relèvement du plafond d’emplois. Le programme 150 en reçoit 980, ce qui équivaut à 27,4 M avec l’extension année pleine (31,2) soit au total 58,6 M. Ceux-ci ne sont pas des emplois rémunérés directement par l’État (pas de changement sur cette ligne, le titre 2 qui représente 17 298 emplois et n’a pas vocation à augmenter), mais des emplois sur la base de la masse transférée aux établissements RCE, le titre 3 (qui passe donc de 162 967 à 163 947 emplois).

Comment ces postes sont-ils alloués ? 70 % des emplois ont été répartis en fonction de la sous-dotation calculée dans SYMPA 2012. Des universités sont reconnues comme surdotées ou ayant des emplois manquants : il s’agit de rééquilibrer les dotations. 70 % répartis entre les 43 universités sous-dotées (leur sous-dotation allant de 15 à 446 emplois). Une accentuation pour les universités dont les effectifs augmentent sur trois ans en 1er cycle. 30 % en fonction du taux brut d’encadrement pédagogique en 1er cycle (à la demande de la CPU), c’est-à-dire en fonction du nombre total d’enseignants titulaires rapporté au nombre d’étudiants en 1er cycle. Les universités Langues/Sciences humaines et Droits/Sciences économiques sont celles qui ont les taux d’encadrement les plus défavorables.

Le problème, souligné par les syndicats lors de cette séance du CNESER consacrée au budget, c’est que ces ouvertures d’emploi ne compensent pas tous ceux que les universités sont amenées à geler – c’est-à-dire à ne pas pourvoir les postes vacants – pour faire face à l’augmentation mécanique de leurs dépenses qui n’ont pas été prises en compte lors du transfert de la masse salariale. Ainsi, par exemple, l’université de Pau se voit attribuer 5 postes dans les 980 mais en gèle 15 dans le même temps. Le gel de postes se combine souvent avec le recrutement de contractuels pour compenser les départs de fonctionnaires, la limitation drastique des effets de la loi Sauvadet, et des refus de promotions. Certains estiment le nombre global des gels à 1500 pour 2012, soit 50 % de plus que les emplois ouverts. Le ministère considère le GVT de l’ensemble des universités comme globalement nul et refuse de le compenser aux établissements déficitaires, les enjoignant de modifier leur structure d’emplois par le biais notamment du gel des postes de titulaires, c’est-à-dire leur suppression simple ou leur remplacement par des agents contractuels.

Aux critiques, le ministère répond que Bercy ne donne pas au MESR le budget pour la compensation GVT. Des sommes ont certes été attribuées pour compenser en prenant sur d’autres actions du programme 150, comme l’IUF. Mais cela a une limite et le ministère a donné, fin 2012, son dernier coup de pouce avec 18 millions aux universités dont le GVT est le plus haut, mais cette somme n’a pas été mise en base : c’était le dernier geste. Il faut désormais internaliser le GVT. Les universités sont au pied du mur. Les choses sérieuses, celles que les promoteurs de la loi LRU avaient en tête, vont pouvoir commencer. Il faudra soit couper les branches, soit ouvrir de nouvelles formes de financement. En gros, c’est la hausse des droits d’inscription et l’ouverture au privé ou la mort.

Pour gagner de nouveaux droits

Avec l’abrogation de la LRU, la FERC Sup CGT demande le retour à la gestion nationale, par les services de l’État, des universités, seul moyen de donner à celles-ci le financement adéquat à leur mission. Sur cette base, nous réaffirmons notre revendication de doubler le budget de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Les budgets publics de l’ESR doivent financer l’ESR public. Les montants alloués aux Crédit Impôt Recherche et Crédit Impôt Innovation (qui servent essentiellement à alimenter les dividendes des multinationales, et ne développent pas la recherche privée) doivent être réalloués aux établissements publics d’Enseignement supérieur et de Recherche et aux organismes publics de Recherche.

En outre, nous réclamons le rattrapage du différentiel entre grandes écoles et universités, afin que l’enseignement supérieur ouvert à tous ne soit pas le parent pauvre du système. Voir nos propositions de débat sur l’évolution du rapport entre ces deux secteurs dans la fiche 1.3.


Référence électronique

"1.4. Budget, coûts et financement", publié le 2 novembre 2014, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article46, consulté en ligne le 15 mars 2024


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