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novembre 2014

1.2. Les instances de l’ESR

Pour comprendre

Pour commencer, une description du paysage de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France est utile.

1.2.1. Les établissements de l’ESR

L’Enseignement supérieur
En 50 ans, de 1960 à 2010, on est passé de 310 000 à 2 320 000 étudiants dans l’Enseignement supérieur répartis entre le service public d’Enseignement supérieur et de Recherche et d’autres établissements. Deux tiers environ des étudiants sont aujourd’hui dans l’Enseignement supérieur public, dont les établissements sont regroupés dans la MIRES (mission interministérielle qui rassemble l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, au-delà des seuls établissements relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche) : environ 1 300 000 étudiants dans les Universités, à quoi s’ajoutent 300 000 autres répartis dans les BTS, les IUT, les CPGE, les universités de technologie, l’institut national polytechnique, les grands établissements du MESR, les ENS, les IEP et les écoles d’ingénieurs publiques MESR. Les CPGE privées et publiques concernent une faible part des effectifs du supérieur : 70 000 élèves triés sur le volet. Mais il y a une part grandissante d’étudiants (environ 600 000) qui sont dans d’autres établissements relevant de l’enseignement supérieur privé. C’est un chiffre qu’il faut mettre en regard d’une donnée apparue depuis 1996 : la part de bacheliers qui augmente, c’est le bac pro. Aujourd’hui, le bac professionnel et le bac technologique représentent la moitié des bacheliers. Le taux de poursuite d’études des bacheliers est en augmentation constante mais les taux de réussite sont fortement corrélés au baccalauréat d’origine (échec en premier cycle : 9 % bac général, 29 % bac techno, 56 % bac pro). Les premiers cycles ne semblent pas adaptés à l’arrivée croissante de bacheliers des filières technologiques et professionnelles et le développement de l’enseignement supérieur privé, en particulier hors contrat, est le symptôme du désarroi de ces bacheliers et de leurs familles face à l’université.

La Recherche
La Recherche en France a lieu en entreprise (en 2010, les entreprises françaises ont dépensé 27, 4 milliards d’euros en R&D) et dans les institutions publiques (16 milliards de budget en 2010). Cela représente 319 261 personnes en 2010, dont 178 552 en entreprise et 140 709 dans le public (58% des chercheurs en France sont en entreprise).
La Recherche publique est faite pour plus de la moitié dans les EPST et les EPIC (9 milliards de budget en 2010) contre 7 milliards en 2010 pour les autres administrations, dont l’ESR. Les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) sont le CNRS, l’INRA, l’INSERM, l’INRIA, l’IRD, l’IRSTEA, etc. Les EPIC sont le CEA civil, le CNES, l’ONERA, l’IFREMER, le CIRAD, l’IRSN, etc.

1.2.2. Le ministère de l’Enseignement supérieur et la Recherche

Sous le cabinet de la ministre, il y a 2 grandes directions la DGESIP (enseignement supérieur et insertion professionnelle) et la DGRI (recherche et innovation). La DGESIP présente 4 secteurs : veille et stratégie de la formation ; contrats, financement et accompagnement des établissements – interface entre le ministère et les deux cents « opérateurs » (nouveau jargon pour désigner ce que l’on appelle traditionnellement les universités et établissements d’ESR) ; budget et réglementation (interface avec Bercy) ; étudiants (vie étudiante, bourses, CNOUS). Il y a en outre trois services communs avec la DGRI : service de la coordination stratégique et des territoires (suivi des PRES, Strater), service des grands projets immobiliers, service des systèmes d’information et des études statistiques ; et des services communs avec le MEN, par exemple la DGRH (gestion des personnels, décharges et droits syndicaux, élections, etc.)

1.2.3. Le CNESER

Le Conseil de l’enseignement supérieur, créé en 1946 par la loi 46-1084 du 18 mai 1946 comme l’un des cinq « conseils d’enseignement », est transformé par la loi Faure du 12 novembre 1968 en Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). L’article L.232-1 du code de l’éducation le caractérise comme la représentation, d’une part, des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et des établissements publics de recherche et, d’autre part, des grands intérêts nationaux, notamment éducatifs, culturels, scientifiques, économiques et sociaux. C’est un organe consultatif placé auprès du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il donne un avis sur la politique d’enseignement supérieur et sur les diplômes (budget, ouverture d’un nouveau diplôme, création de nouveaux établissements...). En outre, la loi Jospin de 1989 lui a attribué une fonction disciplinaire relative aux enseignants-chercheurs, en tant que juridiction d’appel.

Sa composition est la suivante : le CNESER compte 69 membres, le ou la ministre de l’ESR qui le préside et 68 conseillers, dont 45 représentent les établissements et 23 la société : les établissements sont représentés à travers leurs directions (4 représentants de la CPU et 1 de la CDEFI) et leurs élus, ceux du personnels (22 EC, 7 BIATOSS dont un conservateur de bibliothèque) et ceux des usagers (11 étudiants) ; la société est représentée par 23 personnes nommées par le ministre, dont 3 élus (un député, un sénateur et un membre du Conseil économique, social et environnemental), un représentant d’un établissement d’enseignement supérieur qui ne soit ni une université ni une école d’ingénieurs et un représentant des chefs d’établissement secondaire comportant des classes post-baccalauréat. Enfin les syndicats de salariés et les organisations patronales désignent chacun la moitié des 18 autres représentants des forces économiques et sociales.

Le Conseil se prononce de manière générale sur la politique publique en matière d’ESR. Comme le dit le code de l’éducation : « Le CNESER donne notamment son avis sur :

  • la répartition des dotations d’équipement et de fonctionnement et des emplois entre les différents établissements,
  • l’habilitation des établissements publics d’enseignement supérieur à délivrer des diplômes nationaux,
  • la création des EPSCP ou des écoles/instituts,
  • la carte des formations supérieures et de la recherche... »

Le CNESER est consultatif. Mais il doit être consulté. La loi LRU-Fioraso est supposée renforcer le « R » de CNESER en supprimant le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT) dont elle opère la fusion avec le CNESER. Le CSRT a été créé en 1982 comme une instance de concertation et de dialogue avec les acteurs et les partenaires de la recherche, consulté sur tous les grands choix de la politique scientifique et technologique du gouvernement, et sur le suivi de cette politique. Cette fusion pose un certain nombre de questions, non résolues à ce jour.

La FERC Sup CGT met en débat

Une réflexion est nécessaire sur les grands équilibres du système d’enseignement supérieur et de recherche français. En particulier la FERC Sup veut poser la question des conditions nécessaires pour qu’un tel débat puisse être éclairé par la voix des personnels, des usagers et des citoyens. Sans s’y réduire, cette question est posée par le rôle que prendra dans les débats à venir le CNESER.

Le CNESER n’est pas un lieu de décision. C’est un lieu de parole politique où l’on peut s’exprimer sur la politique menée par le gouvernement dans le champ qui est celui de l’ESR. La FERC Sup CGT, qui, pour la première fois de son histoire, a obtenu un siège EC en plus de son siège du collège BIATOSS, utilise pleinement cette tribune pour s’exprimer et s’informer sur la politique en cours ainsi que les transformations à l’œuvre dans chaque établissement. C’est aussi un lieu où l’on prend la mesure des positions de toutes les autres organisations représentées.

Malgré son caractère consultatif, malgré la façon dont les gouvernements successifs traitent cette instance – avec mépris et agressivité lors du précédent quinquennat, avec paternalisme aujourd’hui, avec un encouragement pour le CNESER a fournir des idées au cabinet sans l’embêter sur les sujets qui fâchent – , elle est politique en un sens fort, parce qu’elle reconnaît à des élus – et non à des experts officiellement nommés ou désignés par les organisations - le droit de s’exprimer non pas seulement sur leurs conditions de travail, comme dans un comité technique, mais sur la politique publique, le sens et l’équilibre de la politique menée par la nation en matière d’ESR. Or c’est bien cette dimension qui gêne, comme on le voit bien dans les débats qui concernent l’intégration des prérogatives du CSRT au CNESER. Le CNESER dont une part importante des membres est élue, est considéré par le ministère comme beaucoup trop académique et trop centré sur la vie des établissements alors que le CSRT constitué de personnes nommées serait « plus sérieux » : des directeurs d’organismes de recherche y côtoyaient des experts et des représentants des organisations patronales et syndicales directement désignés par les confédérations. C’est ainsi qu’on a voulu, avec la loi LRU-Fioraso, renforcer dans le nouveau CNESER la part des gens raisonnables, c’est-à-dire des experts et des patrons ! La fusion des deux conseils, si elle est faite dans cet esprit, risque ainsi d’avoir pour effet de réduire la voix des représentants des personnels de l’ESR dont la place sera très certainement minorée dans le nouveau CNESER.

À la FERC Sup CGT, nous pensons que l’engagement politique et syndical n’entraîne pas un affaiblissement de l’intelligence et du souci de l’intérêt général. Au contraire, nous avons déjà vu que la lucidité et le sens du commun pouvaient se nourrir de la compréhension des rapports de force qui traversent la société et que les dominants ont toujours intérêt à dissimuler derrière l’affichage des meilleures intentions. Nos élus exercent leur capacité d’interpeller le ministère et les autres organisations sur la politique de la nation en matière d’enseignement et de recherche. Un CNESER renforcé dans son rôle politique par l’intégration du CSRT sans diminution de la part des élus, doté ainsi d’un nouveau champ de compétence et d’un droit d’autosaisine, permettrait aux représentants des usagers, des personnels et de la société de s’informer et de se prononcer sur l’ensemble des choix qui engageront le rôle et la place de l’enseignement et de la recherche dans notre société.


Référence électronique

"1.2. Les instances de l’ESR", publié le 2 novembre 2014, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article44, consulté en ligne le 15 mars 2024


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