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novembre 2014

Des études supérieures pour le plus grand nombre

Ce deuxième congrès de notre Union Nationale FERC Sup CGT donne l’occasion de faire un bilan pratique et concret de 6 ans de mise en œuvre de la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (loi LRU) et de son corollaire, le passage des établissements d’Enseignement supérieur et de Recherche aux Responsabilités et Compétences élargies (RCE). Combinée aux appels d’offres pour les Investissements d’avenir qui ont débouché sur la création des sites d’« excellence » (IDEX), la loi LRU a eu entre autres effets le développement d’un processus de concentration des établissements, la réduction des offres de formation, des suppressions d’enseignements, la diminution des heures de cours, le gel de postes, l’augmentation de la précarité et le recours massif à l’emploi contractuel et plus généralement une dégradation rapide et conséquente des conditions de travail de tous les personnels, enseignants et personnels BIATOSS, titulaires ou contractuels.

L’ensemble de ces phénomènes constitue la remise en cause la plus profonde, depuis la Seconde guerre mondiale, de la capacité du Service public d’Enseignement supérieur et de Recherche à accomplir ses missions dans l’intérêt de tous et pour tous. Nous sommes à un moment crucial où nous ne savons pas si l’éducation et la recherche seront encore, pour les générations à venir, un souci collectif ou un produit individuel, de qualité variable selon les ressources de chacun.

Suite à l’accession aux RCE où les établissements gèrent désormais un budget global incluant la masse salariale des personnels, ce sont près de 40 universités qui ont été annoncées en difficultés financières au cours de ces deux dernières années. À la rentrée de septembre 2013, c’est l’annonce de la fermeture du site de Béziers (750 étudiants concernés) par l’université de Montpellier 3 qui concentre l’attention de la communauté universitaire.

La loi Fioraso a été votée en juillet 2013, contre la volonté d’une grande majorité de la communauté universitaire. Cette loi, que nous avons combattue, poursuit, aggrave et amplifie la loi LRU-Pécresse de 2007. C’est pourquoi elle mérite le nom de loi LRU-Fioraso.

Cette aggravation se manifeste par :

  • la régionalisation de l’Enseignement supérieur avec la mise en place de Schémas Régionaux d’Enseignement Supérieur, de Recherche et d’Innovation (SRESRI) rendus obligatoires,
  • le resserrement de l’offre de formation,
  • la remise en cause des diplômes nationaux qui ne seront plus directement habilités au plan national mais inclus dans l’offre de formation pour laquelle un établissement sera accrédité,
  • l’assujettissement accru de l’Enseignement supérieur et de la Recherche aux intérêts du capital avec l’introduction de la mission de transfert des résultats de la recherche et la fusion du Conseil national de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (CNESER) avec le Conseil supérieur de la Recherche et de la Technologie (CSRT), et la création d’un Conseil stratégique de la Recherche (CSR),
  • la remise en cause de l’organisation disciplinaire de l’Enseignement supérieur avec l’affaiblissement du Conseil national des universités (CNU),
  • les effets dommageables pour les personnels et les usagers des « fusions/regroupements » obligatoires des établissements d’Enseignement supérieur dont le processus s’accélère avec la constitution automatique des Communautés d’universités et d’établissements » (CUE) en lieu et place des Pôles de Recherche et d’Enseignement supérieur (PRES).

Les nombreux décrets d’application dévoilés dès le mois de septembre 2013 poursuivent et approfondissent ce mouvement.

Pour bien mesurer l’étendue des dangers qui menacent notre secteur, il faut aussi tenir compte d’autres lois récemment votées ou en préparation qui l’affecteront : la loi sur la Refondation de l’École avec en particulier la création des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), la loi sur la Fonction publique, la modification à venir du système de bourses / allocations étudiantes et du financement des CROUS, l’Acte III de la décentralisation, une nouvelle réforme des retraites... Ce puzzle législatif crée un ensemble complexe mais globalement cohérent qui va à l’encontre des valeurs de Service public auxquelles sont profondément attachés les personnels et les usagers de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR) et qui s’oppose aussi à leurs aspirations et revendications.

Cependant, même si ces lois ont été votées sans que la communauté universitaire ne se lève massivement pour s’y opposer et les empêcher, cela ne signifie pas pour autant accord et résignation des personnels. Le statut de la Fonction publique et les statuts particuliers de leurs personnels qui constituent les fondements de nos acquis et de nos garanties collectives restent l’obstacle le plus important à la liquidation des Services publics en général et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, national, public et laïque en particulier. Ce n’est pas un hasard si chaque « réforme » s’accompagne de dispositions qui les remettent patiemment et méthodiquement en cause.

Mais jusqu’ici, grâce à l’opiniâtreté des personnels, ces attaques répétées ne sont pas arrivées à leur fin. On se souvient de la mobilisation massive de 2003 ; de celle de 2009 pour s’opposer à la remise en cause du statut particulier des enseignants-chercheurs (EC) ; du mouvement de protestation d’ampleur qui a permis de repousser, au printemps 2013, un amendement remettant en cause le caractère national de leur statut à travers le projet de suppression de la procédure de qualification ; de la résistance des personnels contre les divers projets de fusion-concentration des établissements à travers tout le pays.

Ainsi, c’est quotidiennement que se tissent les résistances, dans les services et les laboratoires, là où les nouvelles lois se traduisent par de nouveaux coups contre les acquis des luttes passées, par de nouveaux reculs de démocratie et par des difficultés pour effectuer correctement notre travail, dans de bonnes conditions. Le travail change, sa réalisation, ses conditions se dégradent, les situations de souffrance et de désespérance se multiplient. C’est sur le lieu de travail que se tricotent, patiemment et sûrement, les solidarités susceptibles de réunir les membres de la communauté universitaire et, dans leurs convergences d’intérêts, de les mettre en mouvement.

Pour la FERC Sup CGT, le système éducatif, comme toute activité humaine, doit être appréhendé dans la société et dans son cadre économique, en l’occurrence dans le mode de production capitaliste dont la vocation première et constante est de générer et d’accumuler des profits. Le système éducatif se situe donc à la fois en aval du système productif, comme sa résultante, et en amont, comme outil de reproduction de rapports sociaux :

  • la société traversée par la lutte des classes produit un système éducatif adapté à la structure de son système de production et à ses besoins en qualifications,
  • le système éducatif a son développement propre et, tout en permettant l’élaboration de nouvelles connaissances, bases de nouveaux progrès, contribue à l’évolution de la société.

Ces deux systèmes entretiennent des rapports dialectiques et les luttes qu’ils suscitent dépassent largement les limites strictes des conflits du travail ou de la défense de l’outil de travail. C’est d’une question de société qu’il s’agit, donc d’un choix de société. Dans ce contexte, le rôle de notre organisation syndicale consiste à faire en sorte que ce rapport dialectique soit permanent et qu’il rende possible l’émancipation des travailleurs et des citoyens.

À l’opposé des conceptions fondées sur la rentabilité financière, nous défendons le principe de l’efficacité sociale pour le progrès social et l’épanouissement de chaque individu. Ce qui repose sur la mise en valeur de ses potentialités et le développement de son esprit critique, de ses capacités à comprendre et maîtriser la réalité qui l’entoure. Le Service public est le garant de cette efficacité sociale. Il constitue la base d’un investissement social, collectif, qui n’est pas seulement financier, mais culturel et politique. C’est pourquoi nous dénonçons en permanence l’utilitarisme qui menace la qualité et les missions de notre Service public et que nous défendons en même temps la liberté indispensable au développement des connaissances, à l’essor des activités intellectuelles et culturelles d’un côté et leur appropriation par l’ensemble du corps social, sans exclusive, de l’autre.

Mais, pour bien apprécier les enjeux des réformes successives qui ont affecté notre Service public d’Enseignement supérieur et de Recherche, et ainsi mieux les combattre, il est nécessaire de revenir sur les processus en cours depuis de nombreuses années et d’en comprendre les logiques internes, les leviers et les objectifs.


Référence électronique

"Des études supérieures pour le plus grand nombre", publié le 2 novembre 2014, URL : http://www.resistances.net/spip.php?article36, consulté en ligne le 15 mars 2024


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